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et s’avancent sourdement d’un lieu dans un autre. Raison devient folie, bienfait devient tourment. Malheur à toi, fils de tes pères, malheur à toi ! car du droit né avec nous, hélas ! il n’en est jamais question. » Le droit né avec nous !… Eh ! quel est ce droit, seigneur Méphisto ? Veux-tu parler du droit naturel, tel qu’on l’entend communément ? Ce serait un non sens ; c’est bien d’un droit naturel pourtant que tu plains l’absence, mais du vrai et non du faux ; de ce droit né avec nous, qui concorde avec notre organisation, avec notre véritable et native manière d’être, avec nos facultés, nos penchants, nos passions.

Hélas ! comme tu dis, de celui-là il n’est jamais question. Mais, c’est que s’il en était question, Méphistophélès, le sort de la famille humaine éprouverait un changement complet : ce serait une révolution radicale, une transformation si entière que les esprits les plus élevés éprouvent le vertige en y pensant.

Ah ! Goëthe, est-ce une inspiration de poète, une prophétie par toi-même incomprise que tu as exprimée, ou bien n’est-ce qu’un non-sens de plus à ajouter à tant d’autres ?

Droit né avec nous !… Par là tu ne veux pas dire les droits que nous avons individuellement, par opposition et contradiction à ceux des autres individus. Le droit est une expression générale qui comprend les relations des divers individus entre eux ; il suppose donc des relations justes et non injustes, amies et non ennemies.

Le droit naturel devient un droit divin, un code écrit par Dieu même, dans lequel il a réglé l’organisation humaine et ses développements.

Voilà ce que c’est que le droit né avec nous.

Oh ! si c’est ainsi que vous consentez à l’entendre, et avec toutes ses conséquences, ne regardez plus le monde en arrière de vous, car on y croit l’homme mal fait, son organisation mauvaise, et, par suite, en dehors de tout droit juste et préétabli. Regardez en avant !



HÉLÈNE.


Ô vous qui saisissez la vivante harmonie
De la forme parfaite alliée au génie,
Apôtre épris d’amour pour l’antique beauté,
Venez ! — Allons revoir l’archipel enchanté,

Le paradis païen, la contrée immortelle
Où rayonne Aphrodite au cœur de Praxitèle ;
Où les dieux helléniens, Paros immaculé
De qui le ciel attique a seul été foulé,
Jaillissent, lumineux, sous la main qui les crée,
Dans leur nudité chaste et leur pose sacrée.