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par les commis voyageurs depuis plusieurs générations). Mais avec de si dangereux catholiques (Aurevilly, Huysmans, Bloy, Jouhandeau), sait-on jamais ? et pourquoi pas ?

Ce n’est certes pas là qu’éclate la différence essentielle de M. Jouhandeau. Il est bien de la tradition de Barbey d’Aurevilly, de Huysmans, de Bloy, mais ce qu’il écrit quand il atteint au cœur de lui-même brûle d’une lumière qui lui est bien personnelle.

Alors que le pessimisme en général, le réquisitoire contre l’humanité, ne constitue qu’un phénomène très général auquel sont plus ou moins soumis tous les esprits intelligents de notre époque, M. Jouhandeau a su très singulièrement faire frissonner bien de ses contemporains à l’odeur de mystère abyssal de certaines de ses phrases que les imbéciles disent « sottement » poétiques.

Et puisqu’il a le courage d’écrire autre chose que des romans, pourquoi ne ferait-il pas comme Pierre-Jean Jouve que je considère depuis longtemps comme l’un de nos meilleurs poètes ?

Cependant, mon admiration pour Pierre-Jean Jouve a décuplé le jour où j’ai lu sa préface à Sueur de sang, livre de poèmes qui pourtant se suffit à soi seul.

Mais lu à la lumière neuve de la préface,

Tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change,


il devient inappréciable.

Je crois que l’heure présente a plus que jamais besoin d’explications et de justifications. Je le dis sans rire, avec un sérieux à en crever. Tant pis pour les écrivains aux belles promesses qui se trouvent incapables de se justifier (Delteil) ou le font de si étrange sorte (Céline).

Ceux qui en sont capables doivent avant tout profondément expliquer ce qui pour eux est le sens de leurs œuvres.

gilbert leconte


L’HIRONDELLE QUI FIT LE PRINTEMPS, par Maurice Genevoix (Flammarion).

Le nouveau livre de Maurice Genevoix se place sous le signe de la féerie. Une féerie où le merveilleux a plus de part que le fantastique, car si ce dernier fait généralement appel à des puissances ténébreuses, le merveilleux bouleverse l’ordre naturel pour le triomphe du beau et de la vertu. L’un évoque un ciel d’orage, l’autre s’épanouit dans le rose soutenu, C’est même la persistance de cette teinte qui nous tient à l’écart de certaine littérature miraculeuse…