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temple, sous les astres qui palpitaient. Minuit était de duvet tiède étoilé.

J’ai vu le Temple dans les claires ténèbres de velours marin : il ne dort pas, il songe. Fidèle, je l’écoutais puissamment respirer. Puis, j’ai vu à l’aube sourire sa fleur sublime de lilas.


X
iktinos


Iktinos ! ton nom est Milan, le plus beau des faucons, le plus fier, le plus vif, qui plane le plus haut. C’est toi, le petit aigle royal, le parfait architecte. C’est bien toi, je t’ai vu, qui bats sans cesse l’air d’une aile si puissante dans le ciel violet de Ségeste. Si tu n’as pas fait Ségeste avant le Parthénon, que m’importe ? Celui qui a créé Ségeste est le même que toi : tu es le fils, s’il est ton père. À ton propos, parfois, on parle d’épervier : tu n’es pas si trivial ni si faible. Tu es de plus haut vol, ce qu’ils ne peuvent être. Que les éperviers hantent le théâtre : le Temple est à toi. Comme je soupirais, ce soir-là, vers l’altitude, tu étais là, Iktinos, Milan dans la pourpre du couchant, royal et souverain. Tu couvrais l’espace de ce vol, si lent, si soutenu, qui n’est qu’à toi, Iktinos, grand oiseau architecte. Tu ne prends pas l’essor : tu es l’envolée même. Tu ne cherches pas la hauteur ni ta route : tu sais tout ce que tu veux, et tu sais où tu vas.

Toi seul, architecte, peux faire de l’utile une beauté si pure que l’utilité s’en efface. Tu possèdes toute la matière, et par toi elle est sauvée : tu la rachètes du sordide.

L’architecte naval est l’ingénieur de toutes les sciences : il monte toutes les expériences et tous les effets ; il lance un monde complet sur l’eau, défiant l’abîme, la pesanteur et les vents, la distance, la tempête, les in-