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On arriva à Bali où l’on séjourna quelque temps. Là, le désordre se mit dans la petite caravane. Les deux ménages amis s’embrouillèrent avec des ménages anglais de passage. L’adultère et la débauche montrèrent leur visage en sueur. Chacun s’égayait dans l’île : Louis et Fedor toujours partis, Cornélia qui ressentait plus fortes sous les tropiques des langueurs anciennes, se livra à l’archéologie avec un savant danois qui, fort touché par sa solitude, s’essaya bien maladroitement à lui faire la cour. Mais il n’était ni jeune, ni plaisant, ni inspiré.

Un jour, Cornélia entra dans une pièce peu fréquentée du bungalow et trouva Louis aux pieds de Fedor.

Ce fut une révélation aussi bouleversante que celle du cirque, pour l’un comme pour l’autre. Car Louis ne se connut vraiment et ne s’avoua que dans les yeux agrandis de sa femme. Jusque-là il avait été seul à soupçonner ses écarts et il avait pu les oublier ; maintenant il ne le pourrait plus. Il était sensible et éprouva vivement le chagrin qu’il avait mis tant de soins à éviter. Quant à Cornélia, elle découvrit l’ironie avec l’amertume ; elle vit que son existence avait été une immense fumisterie. Fille d’un fumiste, on l’avait mariée à un fumiste.

Avec un peu plus d’ironie encore, elle aurait pu remarquer que le décor où elle avait vécu livrait brusquement la signification des chétives brutalités qui l’avaient enchantée comme une petite fille. Elle n’alla pas jusque-là, mais elle tomba pendant le retour dans une rêverie sans fond. Il n’y eut point la moindre violence entre les époux : ils entrèrent sans explications, d’une minute à l’autre dans la façon de vivre qui était celle de leurs amis.


Quelques années après ces menus événements, un couple français se trouvait au mois de juillet à Barcelone.