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LA FORMATION DES ÉTATS-UNIS.

déroutés par les moqueries de leurs nouveaux chefs et la discipline à laquelle on les soumettait. Le 9 juin 1755, Braddock tomba dans une embuscade. Non loin du fort Duquesne, en pleine forêt, il fut attaqué par 230 Français et 637 Indiens commandés par MM. de Beaujeu, Dumas et de Ligneris. La bataille ne fut pas longue. Les Anglais furent en déroute en peu d’heures. Braddock se battit vaillamment, mais tomba mortellement frappé. Washington se mit à la tête des Virginiens et couvrit la retraite en tenant bon, tandis que les autres fuyaient. 26 officiers et 714 soldats furent tués ; les Franco-Indiens ne perdirent que 33 hommes. Presque en même temps l’Américain Lyman, à la tête de ses coloniaux, regagnait à Crown-Point une bataille à moitié perdue par le général anglais Johnson. Ce dernier n’en reçut pas moins en récompense le titre de baronnet et une pension ; Lyman n’eut rien. Dans ce combat périt le colonel Williams qui venait d’inscrire, dans son testament, un legs considérable destiné à fonder un collège pour l’ouest du Massachusetts. Ce fut l’origine de Williams Collège. Cette année-là et la suivante, les échecs furent nombreux. Les Anglais s’en vengèrent en expulsant d’Acadie 7,000 Français qui paisiblement travaillaient la terre et vivaient heureux, en donnant l’exemple de toutes les vertus privées. Ce fut moins leur nationalité que leur religion qui paraît avoir excité la rage des conquérants. Il y avait, à ce moment-là, comme une recrudescence de haine anticatholique parmi eux. La première expédition dirigée contre Louisbourg avait revêtu le caractère d’une sorte de croisade. Un clergyman fanatique était parti en tête des troupes, une hachette à la main pour jeter bas les images et les statues des saints dans les églises. Les Acadiens n’opposèrent qu’une faible résistance à la domination anglaise, mais ils étaient fort attachés à leur religion : ce fut la cause de leur perte. Au plus fort de l’hiver on les embarqua brutalement sur des navires qui les disséminèrent tout le long des côtes au milieu de populations hostiles. On fit exprès de séparer les femmes de leurs maris et les enfants de leurs parents. La plupart des dispersés périrent dans la solitude des forêts au travers desquelles ils se jetèrent naïvement pour retrouver leur patrie. Les plus heureux fondèrent plus tard, sous le ciel clément de la Louisiane, des villages où se sont maintenues, avec le vieux langage du temps, les coutumes fidèlement importées jadis des campagnes de Normandie.