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incursions. Les colons les plus éloignés de la côte vécurent dès lors dans de continuelles alarmes : leurs armes ne les quittèrent plus ; ils construisirent à proximité de leurs demeures des blockhaus, sortes de forteresses en troncs d’arbres, à deux étages, percées de meurtrières et pouvant servir de refuges en cas de péril. La guerre cessa ou plutôt une trêve intervint lorsque fut signé le traité de Ryswick, qui n’apporta, d’ailleurs, aucune solution au conflit franco-américain. Elle reprit partout en 1702 ; la succession d’Espagne la provoquait en Europe. En Amérique, on lui donna un nom quelconque : on l’appela guerre de la reine Anne pour distinguer cette seconde période de celles qui la précédèrent et la suivirent. Au fond, c’était toujours la même lutte, barbare et implacable. Seulement, les Espagnols, cette fois, s’y mêlèrent. Ils avaient toujours des prétentions sur la Caroline et leurs vaisseaux, partis de la Havane, unis à une petite flotte française, vinrent assiéger Charleston sans pouvoir le réduire. Les Caroliniens échouèrent de même dans leur tentative pour prendre le fort de Saint-Augustin, en Floride. L’année 1704 vit se renouveler le triste exploit de Shenectady et dans des conditions plus dramatiques encore. Ce fut Deerfield dans le Massachusetts qui fut incendié, dans la nuit du 28 février, par 350 Franco-Indiens, commandés par M. Hertel de Rouville ; 47 cadavres mutilés furent abandonnés au milieu des ruines fumantes, tandis que 112 captifs étaient emmenés à travers les forêts glacées et les plaines couvertes de neige ; un grand nombre périrent en chemin. Par représailles, les coloniaux envahirent de nouveau l’Acadie et reprirent Port-Royal. Le traité d’Utrecht arrêta les hostilités ; l’Acadie et Terre-Neuve passaient sous la domination britannique. En avoir dépossédé les Français constituait aux yeux des Américains un avantage qui les payait de bien des pertes et de bien des sacrifices.

Peu d’événements à noter pendant les années qui suivirent. Une expédition contre les Antilles espagnoles coûta la vie à plus de 3,000 coloniaux et ne donna point de résultat. Les Géorgiens, ces nouveaux venus dans la famille américaine, envahirent la Floride ; ils avaient fait appel à leurs voisins de la Caroline et de la Virginie ; mais les forces combinées des trois colonies ne purent rien contre les puissants remparts de Saint-Augustin. Leur ambition coûta cher aux Géorgiens. Les meilleurs agriculteurs de Géorgie, les Écossais et les Moraviens (car cette colonie était