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LA FORMATION DES ÉTATS-UNIS.

purent s’enfuir et coururent à moitié nus jusqu’à Albany, tandis que derrière eux les flammes dévoraient leurs demeures et les cadavres de leurs proches. Cette agression n’était pas justifiée au point de vue américain. Au Canada, on la considéra comme justifiée par l’état de guerre existant depuis l’année précédente entre l’Angleterre et la France. En fait, elle eut pour résultat de transporter dans le nouveau monde une flammèche de l’incendie qui s’allumait au delà de l’Océan. De ce jour-là, les colonies s’allièrent pour chasser les Français. L’union se fit devant l’ennemi commun.

Ce n’était pas, loin de là, la première guerre avec les Indiens. Si l’histoire mentionne les bons rapports des visages pâles avec Canonicas, le sachem des Narragansetts, où avec Powhattans dont la fille, Pocahontas, épousa un Virginien[1], elle relate aussi les sanglants combats qui eurent lieu en Virginie en 1622 et 1664 et ceux plus meurtriers encore qui, de 1675 à 1677, mirent aux prises les colons de la Nouvelle-Angleterre avec une coalition de tribus indiennes dirigée par un chef qu’on appelait le roi Philippe. Mais, en ces circonstances, l’action française n’existait point ou était si lointaine qu’on peut la négliger. Cette fois-ci, au contraire, les Français se posaient directement en agresseurs. L’événement avait une portée tout autre. Aussi la nouvelle causa-t-elle une émotion profonde. Les autorités du Massachusetts proposèrent la réunion d’un congrès. Les invitations portent la date du 19 mars 1690 et le congrès s’assembla le 1er  mai à New-York. Bien que la plupart des colonies eussent répondu en termes favorables, cinq d’entre elles seulement s’y trouvaient représentées. Il fut entendu qu’on formerait un corps de 850 hommes pour défendre Albany ; on stipula que les officiers auraient soin « de faire observer le repos du dimanche et pratiquer le culte du Seigneur » par leurs soldats. On décida encore d’attaquer le Canada et d’organiser à cet effet une double expédition. La première fut dirigée contre l’Acadie et soumit Port-Royal ; la seconde ne réussit pas à prendre Québec. Les Français, très habilement, ne tentèrent rien en dehors de leurs alliés indiens. Ils se bornèrent à de fréquentes et soudaines

  1. Pocahontas visita l’Angleterre avec son époux. Elle fut reçue à la cour et très fêtée par les grands seigneurs. Son fils devint un homme distingué. Beaucoup de familles virginiennes sont fières de compter parmi sa descendance.