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LE FORMATION DES ÉTATS-UNIS.

être de la voir rentrer dans la grande communauté anglo-saxonne d’où eux-mêmes songent de moins en moins à sortir. Elle n’y rentrera pas, mais elle y jouera un rôle important, à moins que les affaires de l’Amérique du Sud n’en détournent trop complètement son attention et n’ouvrent à ses ambitions de grande puissance des perspectives trop séduisantes.

Il ne serait pas, du reste, au pouvoir des États-Unis, même s’ils le voulaient énergiquement, de s’abstenir de toute ingérence de cette sorte. Leur frontière méridionale n’est pas définitive. Chose curieuse : au nord, où une ligne conventionnelle les sépare d’un pays qui est de leur sang, qui parle leur langue, dont les intérêts sont plus ou moins similaires des leurs, les perspectives pacifiques s’affirment chaque jour sur la base d’un respect réciproque. Au sud, au contraire, où race, langage, religion, traditions, formes sociales, tout diffère, les limites géographiques sont sans cesse franchies, les conventions fatalement violées et l’action des deux gouvernements demeure impuissante. Les Mexicains ont cette mauvaise chance d’être séparés de leurs voisins par une région minière et agricole dont ils ne savent pas exploiter les richesses. Leurs hautes terres jouissent d’un climat qui convient mieux à l’homme du Nord que celui de la Louisiane, de la Floride et des États environnants. Ils ont de bons ports sur les deux océans et laissent des étrangers — Allemands ou Anglais — y établir des maisons de commerce. Les districts miniers de Chihuahu et de la Sonora sont déjà à demi yankees ; trois lignes de chemins de fer mettent en communication le réseau de l’Union avec Guaymas et Mexico et lentement l’infiltration se fait au profit du peuple le plus viril et le mieux doué. Si ce peuple avait un gouvernement monarchique, le protectorat serait déjà établi, en attendant l’annexion, jusqu’à l’isthme de Panama. Mais, nous l’avons dit, l’opinion n’est pas favorable aux agrandissements ; elle n’a pas donné suite à ses projets sur Cuba ; elle a découragé les vues du président Johnson sur les possessions danoises de Saint-Thomas et Saint-Jean et celles du général Grant sur Saint-Domingue. Il faut qu’en quelque sorte on lui force la main. Or cela est arrivé. Les choses se sont passées ainsi pour le Texas. Le Texas, constitué en république indépendante, a attendu dix ans que l’Union voulût bien l’admettre. Quelque jour, la Sonora fera de même. On ne repousse pas indéfiniment une population qui veut se donner et qui est libre de le faire.