doit commencer la vie nouvelle, l’espoir obstiné du retour. Il faut que je vive, il faut que je revienne… Hélas ! si je ne revenais pas !
Mon amie, ne m’accuse pas de lâcheté. Je n’oublie pas nos conventions et je donnerai à ton cœur le long délai qu’il exige. Tu veux revoir un homme martelé et racheté par l’exil, le travail, la fidélité dans la solitude — un homme qui n’aura gardé de Maxime Gannerault que son invincible amour… Soit, j’accepte l’épreuve. Car je ne m’abuse pas, chérie, sur la nature du sentiment qui t’a poussée dans mes bras.
Tu ne m’avais jamais aimé, Marianne, et tu ne m’aimes pas encore ; mais j’en suis sur, à présent, tu m’aimeras. Il faut que notre solidarité s’affirme plus profonde et que je réalise ton vœu. Non, tu ne pouvais m’aimer quand ton cœur trop jeune prenait le désir de l’amour pour l’amour même… Et moi, tâtonnant comme toi, maladroit, dur, chimérique, j’égarais notre marche incertaine vers des routes où l’amour n’a jamais passé, et sans prudence j’étalais à tes yeux les coupables misères de ma vie…
Ah ! mes espoirs, mes rancunes, que tout cela m’apparaît pitoyable et mesquin ! Quelle frénésie me jetait vers l’argent, vers la gloire ?… Je n’avais même pas la joie de mes efforts. Tout était leurre, amertume et cendre… Et je me dis maintenant : « Si elle m’avait aimé !… » Car une vertu réside dans l’amour heureux et ceux qui ne sont pas aimés s’irritent et s’aigrissent. Je ne suis pas un héros. Peut-être aurais-je été simplement un homme, ni pire, ni meilleur que les autres, si j’avais eu ma part de félicité… Si tu savais, ma chérie, combien l’âme s’exalte et s’élargit dans la divine certitude, combien tout paraît facile, aisé, délicieux ! Mais tu ne m’aimais pas et sur mon cœur ton cœur restait solitaire… J’ai voulu l’asservir et le troubler, ce cœur que je ne pouvais séduire ; j’ai préféré devenir redoutable que demeurer indifférent pour que tressaillit en toi quelque chose, la crainte, sinon le désir… Folie ! Pour notre malheur à tous deux, l’éternel conflit a recommencé entre la coquetterie de la femme et l’orgueil de l’homme. Nous nous sommes étreints et déchirés et tu m’échappais toujours et je m’enivrais dans la fureur de la poursuite stérile… Oh ! je ne voulais pas de toi que ta chair !… je rêvais de te conquérir toute, car — c’est ma fierté et ma seule excuse — ta possession sans ton amour ne me suffisait pas.
Chère, chère bien-aimée, j’aurais pu commettre un crime que tes imprudences, aux yeux du monde, eussent excusé. Je n’ai