creux de sable où croissent les bruyères, décors jadis aimés et que les souvenirs faisaient redoutables, le visage muet de Maxime n’exprimait rien.
Je songeais :
— Il me parle amicalement. Il m’embrasse et il me hait.
Avec le temps, avec l’apaisement et la sécurité, mon cœur calmé s’attrista de cette haine. Je m’étonnai même d’avoir ressenti si vivement le mépris que Maxime méritait. J’entrevoyais ma part de responsabilité. Je me rappelais Montauzat et tant de petits actes ou de pensées qui, justement, me rendaient honteuse. Je ne pouvais ni ne voulais excuser le jeune homme. Mais je souhaitais qu’il rachetât ses fautes par une vie laborieuse et droite. La publication d’un livre que je blâmais me fit souffrir.
« Ah ! s’il devenait simple et bon, nous pourrions être amis encore. Tandis que, dans l’avenir, nous serons fatalement séparés. »
Ce mot, l’avenir, en appelait un autre, le mariage.
Mais pouvais-je me marier, tant que Maxime conserverait ces maudites lettres dont les termes permettaient la plus dangereuse équivoque ? Cette épée de Damoclès qu’il tenait suspendue sur ma tête me frapperait impitoyablement. Maxime l’avait dit ; éternellement, il me barrerait l’avenir. Je ne devais pas compter sur sa clémence. Pourtant, cette menace constante me troublait peu. Je pensais au mariage comme à une probabilité lointaine, qui ne m’intéressait guère. Mon cœur me semblait séché et non brisé, impuissant à ressentir jamais aucune émotion forte. L’univers entier lui était étranger.
Lentement, les bourgeons s’étaient dépliés, l’enfance des petites feuilles riait, tendre et verte, sur les rameaux noirs. Le ciel balayé s’épura. Et la mélancolie, le trouble du printemps hantèrent ma jeunesse, tandis que je rêvais sous les pommiers en fleur. Trouble très doux et non pareil aux langueurs fiévreuses des autres printemps. Ah ! si une âme pouvait fleurir en moi, nouvelle, pour un nouvel amour ! Des pensées de compassion, de tendresse, de dévouement hantèrent ma solitude. Ma marraine s’attendrit sur ma prévenante affection.
Le givre embaumé des arbres s’effeuilla. Mai, le mois virginal, épanouit les lilas et les jacinthes. Toute la gamme délicate du violet au mauve chanta dans les verts plus intenses des jardins. Et quand les jeunes blés ondulèrent sur les sillons, d’imprécises