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lations bizarres de landgraves et de caciques. En dessous étaient les « villains » transférables avec la terre. Les villains se révoltèrent et firent à la Constitution de Locke le sort qu’elle méritait.

Ce qui complique infiniment, si l’on n’y prend pas garde, l’étude de l’histoire coloniale, c’est le fait que les colonies, en général, ne ressemblaient en rien à ce qu’indiquaient leurs façades. Les unes appartenaient nominalement à des « propriétaires » ; les autres relevaient de la couronne ; d’autres encore étaient dites « colonies à chartes ». En fait, ces distinctions ne signifiaient pas grand’chose, même pour la Pensylvanie et le Maryland, qui furent bien réellement fondés par leurs propriétaires, puisque William Penn se retira de lui-même et que lord Baltimore fut dépossédé par ses sujets protestants. Il arriva même au roi d’Angleterre de donner en concession des terres déjà occupées : New-York et le New-Jersey au duc d’York, le Maine et le New-Hampshire au duc de Monmouth, et d’aliéner même une partie de la Virginie entre les mains des lords Culpeper et Arlington pour trente ans. Les colonies à chartes avaient pour origine des concessions faites à des compagnies privilégiées. Les trois principales de ces compagnies furent les London adventures, les Plymouth adventures et la société de la Baie de Massachusetts. Cette dernière ne tenta même pas d’exercer une action depuis l’Angleterre. Elle transporta son siège à Boston et s’y assimila avec la colonie elle-même. Les compagnies consentirent à leur tour des sous-concessions : il se forma ainsi de très grandes propriétés individuelles, comme celles de lord Fairfax en Virginie. Mais toutes ces décisions et ces changements n’eurent pas le contre-coup qu’on s’imagine. La distance était énorme, les communications rares, et la mère patrie ne manquait pas de besogne, soit chez elle, soit en Europe. Compagnies et propriétaires étaient obligés, en Amérique, de défendre leurs droits au mieux des événements, et le plus souvent de capituler devant la résistance persévérante ou la force d’inertie des colons. Il arriva cependant que, sans parvenir à paralyser la vie collective, ces maîtres improvisés surent se rendre odieux, et, en plusieurs circonstances, menacèrent les libertés les plus précieuses des Américains. Après s’être donnés aux Anglais, les habitants de New-York furent si maltraités par eux qu’ils regrettèrent un moment le despotisme des gouverneurs hollandais et songèrent à les rappeler. La révolution de 1688 modifia un peu la