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cinq nations qui formaient la Confédération étaient les Mohicans, les Oneidas, les Onondagas, les Cayugas et les Senecas. En 1713, une sixième nation, celle des Tuscaroras, s’adjoignit aux cinq autres. De bonne heure les Français avaient fait alliance avec les Algonquins, leurs voisins immédiats, et se les étaient attachés. Ce qu’il y avait de féodal à la fois et de nomade dans la vie canadienne permettait d’y faire une place aux Peaux-Rouges. Le caractère hardi, entreprenant, loyal et un peu fataliste des trappeurs ou du soldat français plaisait à ces hommes primitifs ; on ne leur prenait pas leurs terres et on les flattait en adoptant certaines de leurs manières d’être, en appréciant leur genre d’existence. Cette intimité avait eu pour conséquence naturelle de faire des Iroquois les alliés des Anglais. Mais l’alliance n’avait ici aucun caractère durable. L’occupation anglaise était permanente et sans cesse elle grandissait, menaçant directement l’indépendance des Indiens. En 1700, la haine des Iroquois pour les Algonquins l’emporte encore sur les conseils de la prudence et de l’intérêt ; mais, pendant trente ans, la diplomatie rudimentaire des pionniers français va s’exercer sur eux, et non sans résultats. Il viendra un moment où la défection des Iroquois sera sur le point de se produire. Une circonstance fortuite, l’influence acquise par un Anglais qui a su se faire adopter par eux, auquel ils ont même donné le rang de sachem, les retient seule au moment de passer de notre côté. Il aurait suffi aux Français, ainsi renforcés, de prendre à revers l’État de New-York pour séparer de nouveau en deux tronçons les colonies anglaises, s’ouvrir un débouché sur l’Atlantique et orienter différemment les destinées américaines. Bien entendu, un tel plan ne fut jamais exposé à Versailles. À peine aurait-on su le concevoir à Québec.

Mais quelque redoutables que soient l’Espagne et la France, le véritable danger ne provient ni du voisinage de l’une ni des ambitions de l’autre : il provient de l’état de désunion, d’émiettement pour ainsi dire dans lequel se trouvent ces colonies, des querelles qui les divisent, de l’opposition des principes au nom desquels elles ont été fondées. Car, nous venons de le voir, sur les dix colonies, deux seulement ont été fondées dans un but commercial. À Jamestown, en Virginie, des Anglais sont venus cultiver le tabac. À l’embouchure de l’Hudson, un peu plus tard, les Hollandais ont établi un premier comptoir de fourrures, mais