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LA NOUVELLE REVUE.

en vue d’en faire l’asile des catholiques anglais, et ceux-ci l’avaient généreusement ouvert à tous les chrétiens. Ç’avait été, avec Rhode-Island, le seul coin de terre sur les rives de l’Atlantique où l’on pût prier et penser à peu près librement. Puis les protestants, profitant de la tolérance dont ils étaient l’objet, s’emparèrent du pouvoir pour en chasser les catholiques. Le Maryland s’est vu dès lors en proie aux horreurs de la guerre civile.

Là, aux confins de la Virginie, commence ce qu’on appelle encore aujourd’hui le Sud, et déjà sont posés devant l’avenir les termes du redoutable problème qui recevra, près de deux siècles plus tard, une sanglante solution. Dès 1619 un vaisseau hollandais débarquait sur le sol virginien une vingtaine d’esclaves noirs. Les planteurs se les partagèrent et en firent venir d’autres. Jusque-là ils n’avaient eu que des serviteurs d’occasion, aventuriers ou jail-birds, échappés du bagne ; il leur fallait une main-d’œuvre pour la culture du tabac qui prend une rapide extension, et cette marchandise humaine a été la bienvenue. Ils ont calmé les scrupules de leur conscience en songeant que l’esclavage n’est pas condamné dans la Bible. La Caroline, la dernière des dix colonies, appartient à quelques grands seigneurs anglais ; mais c’est du roi de France Charles ix qu’elle tient son nom. Jean Ribaut, en 1562, Laudonière, un peu après, y créèrent, sous l’inspiration de Coligny, deux villages huguenots. La première fois, les habitants périrent de misère ; la seconde, ils furent dispersés par les Espagnols. Plus tard, c’est là encore que sir Walter Raleigh, le favori d’Élisabeth d’Angleterre, a fait ses infructueuses tentatives de colonisation. Après la révocation de l’édit de Nantes, beaucoup de huguenots y émigrent ; ils créeront, dans la suite, à Charleston, une société « rigide, mais bien plus polie, raffinée et distinguée que celle des puritains anglais[1] ». La Caroline demeura longtemps la plus méridionale des colonies. En 1732 seulement, un officier anglais du nom d’Oglethorpe fonda, avec l’appui de Georges ii, la Géorgie, où des protestants de Salzbourg et d’autres villes d’Allemagne trouvèrent aussitôt un refuge contre les persécutions. Cette même année devait naître celui auquel était réservé l’honneur d’unir tous ces éléments disparates pour en faire une nation : Georges Washington.

  1. Weiss, Histoire des réfugiés protestants de France.