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sèrent. Et tout à coup, Maxime me saisit dans ses bras avec un cri joyeux :

— Toi !… Enfin !… Ah ! je savais bien que tu viendrais !

— Tu ne sais pas encore.

Il m’avait pris la tête entre ses deux mains. Une pluie de baisers tomba sur mes tempes, sur mes paupières, sur ma bouche réduite au silence. Je me débattais dans cette étreinte imprévue, et parvenant à me dégager, brusquement, sans préambules oratoires, je criai :

— Laisse-moi… Ton père va mourir.

Ses bras se dénouèrent. Il recula.

— J’ai une voiture en bas… Il faut que tu viennes tout de suite.

Il y eut un silence d’un instant. Maxime chercha son pardessus, son chapeau et enfin, tourné vers moi :

— Ah çà ! dit-il, ce n’est pas une blague ?… Tu sais… Je me méfie des inventions de maman.

— Oh ! Maxime !

Il vit mes traits convulsés, mes joues humides.

— C’est dommage, reprit-il. Pauvre bonhomme !… Comment ça lui a-t-il pris ?

Je donnai des détails. La marraine avait trouvé M. Gannerault étendu, sans connaissance, dans son fauteuil, au coin de la cheminée. Le médecin n’avait pu que constater la congestion.

— Eh bien ! ça va être une jolie scène… Pauvre maman ! Ah ! les gens sans énergie, les sensibles, les effarés, comme la vie les broie !

Il rêva un instant, peut-être ému. Puis, me prenant les mains :

— Moi qui étais si heureux de te voir !… Quand j’ai entendu ton nom, j’ai ressenti un coup au cœur… Alors, tu n’es pas venue librement ? Nous restons sur le pied de guerre ?… Mais tu reviendras, chérie ? Je te ferai les honneurs de mon logis. Il est bien modeste, mais on peut s’y aimer en paix.

Ses yeux s’arrêtèrent sur le lit. Mes yeux s’en détournèrent… Ah ! cette chambre, hantée et payée peut-être par une autre, jamais cette chambre n’abriterait nos furtives amours. Cette odeur du garni, ces meubles anonymes, ce faux luxe de reps capitonné et de simili-bronze, ce divan, ce lit me faisaient horreur. Et je songeai à toutes celles qui avaient monté l’escalier, franchi le