mon cœur ces généreuses émotions qui honorent la jeunesse.
— Ne t’épouvante pas, me disait-il, quand mon père maudit ces révoltés dont je suis et dont tu seras peut-être. Le brave homme chérit son joug. Est-ce une raison pour que nous ne haïssions point le nôtre ? Pardieu ! trouves-tu toutes choses si bien faites qu’il soit criminel de démolir l’édifice croulant pour en bâtir un autre ? Et ton cœur ne sera-t-il point notre complice si nous promettons à la femme la réhabilitation et la liberté de l’amour ?…
Je détestais d’instinct les passifs, tout près d’être des lâches. Les opinions de Maxime étaient bien faites pour enivrer une âme de dix-huit ans que l’étude et l’observation précoces avaient mûrie sans lui enlever le pouvoir et le désir de croire fortement — fût-ce à des chimères. J’entrevis un monde bouleversé et harmonieusement rétabli, une société où les enfants grandiraient sans superstitions, sans préjugés, sans habitudes de mensonge, où les filles porteraient leur dot dans la douceur de leurs yeux et la tendresse de leurs cœurs, où chacun aurait sa part d’amour et de vie. Incapable encore de m’intéresser aux formes multiples de gouvernement, aux complexes, aux abstruses questions politiques et sociales, je formais des souhaits de femme dont mon rude camarade, parfois, souriait. Et sans douter qu’il fût sincère, je l’admirais et je l’encourageais.
Cette admiration, cette sympathie restaient tout intellectuelles. Bientôt une reconnaissance plus tendre s’y mêla. Maxime avait pris ma défense contre sa mère, souvent jusqu’à l’exaspérer. Alors, les obsécrations tombaient sur le jeune homme qui n’en prenait pas grand souci. Pendant les absences de Maxime, mon parrain ne cachait plus sa tristesse, ma marraine étalait ses désespoirs. Ils gémissaient sur la dureté de leur fils, sur les chagrins prévus pour leur vieillesse. Et si, par malheur, je donnais prise au moindre blâme, Mme Gannerault éclatait, me jetant à la face le souvenir de Rambert.
Elle fut, un jour, si injuste et si maladroite que le flot déborda. Je m’insurgeai. Aux reproches rétrospectifs dont on m’accablait, je répondis :
— Je vois que vous ne me pardonnerez jamais de vous avoir fait espérer un mariage qui vous aurait débarrassés de moi. Mais soyez tranquille ! Vous serez délivrée de ma présence, soit par le mariage, soit autrement.