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LA NOUVELLE REVUE

époques de plus en plus récentes. Tout se soulevait et rien ne s’abaissait. Un dessèchement, une déshydratation générale de la Terre suffisait pour expliquer cette suite de phénomènes, et, par conséquent, faisait entrevoir, dans un avenir plus ou moins éloigné, la disparition des mers, le Globe devenu entièrement continental et desséché. C’est le sort qui, d’après M. Flammarion, attend prochainement la planète Mars.

Et cependant ne savait-on pas déjà que la mer bat et démolit les falaises ; qu’un simple pont réunissait l’île d’Aurigny au Cotentin en des temps historiques ? On n’ignorait pas que des forêts fossiles, avec les bases des arbres encore en place, dorment au fond de la baie du mont Saint-Michel. Des documents positifs montraient que le Zuy-der-See était un lac à l’époque de la conquête romaine. Mais tous ces faits étaient considérés comme des détails insignifiants et, puisque la plupart des roches qu’on trouve sur les continents sont constituées par des dépôts marins, avec les débris fossiles d’animaux vivant exclusivement dans la mer, cette explication de la formation graduelle des continents actuels par des soulèvements, avait généralement prévalu.

Personne ne voulait entendre sonner les cloches de la ville d’Ys, ensevelie au fond de la mer, et, de la légende de l’Atlantide, nul n’avait alors souci !

Le Déluge n’était-il qu’un accident momentané pendant lequel flottait l’arche de Noé ? Ce déluge, dont il est question dans toutes les religions, n’était-il pas, pour les uns, la preuve que les hommes d’autrefois avaient su remarquer la nature marine des roches, ce que niait tout récemment Voltaire, prétendant que les coquilles qu’on y trouve avaient été abandonnées par des pèlerins se rendant à Rome ? Pour d’autres, le Déluge était le dernier grand cataclysme terrestre, comme semble l’indiquer le titre de l’ouvrage de Figuier que je viens de citer. C’est après cette dernière convulsion que se seraient établis définitivement les contours actuels des continents et des mers, où évoluent sans changement notable les diverses races de l’humanité.

Ces manières de voir si simples, ces théories à peine ébauchées ont disparu avec les récents progrès de la Géologie. On sait maintenant qu’il n’y a pas eu un déluge, mais des déluges continuels et répétés ; on sait maintenant que la forme des continents et des