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LA NOUVELLE REVUE

mais un pouvoir qui sera en tous, et qui sera efficace, parce qu’il sera universel. Que chacun apprenne à se conduire, abandonne les branlantes suggestions de l’intérêt pour les fermes convictions de la droiture ; et par chaque conscience sera réformé le régime dont on dit tant de mal. En réalité, ce régime souffre encore des maladies de l’enfance. Il nous appartient de le conduire à l’âge adulte.

Nous ne sommes pas tous des hommes politiques ; nous ne sommes pas appelés à le devenir ; mais nous devons faire en sorte qu’on ne reproche pas à ceux qui nous représentent les défauts dont on a tant parlé. Le remède se trouve dans une forte éducation de la conscience, plus efficace que toutes les lois ; et l’élu vaudra ce que vaudra l’électeur.

Si le régime politique est, en partie, cause de notre affaissement moral, c’est, pour tous les hommes instruits, une raison plus impérieuse encore de ne pas dédaigner les affaires publiques. Ce serait, de leur part, une coupable négligence, s’ils abandonnaient le sort d’un pays à ceux qu’on prend pour médiocres ou malhonnêtes. On doit pouvoir compter sur la propagande de tous ceux qui tiennent une plume, ou savent parler. Aussi, est-ce avec raison qu’on a signalé l’ignorance où se trouve parfois l’homme de lettres vis-à-vis des vérités nouvelles de la science. Par sa propre faute, il a vu se restreindre son rôle dans le monde où il vit ; ses livres n’ont plus eu d’influence sur la société qui le relègue au rang de simple amuseur.

En un mot, serait-elle un résultat de notre régime politique, la crise morale actuelle pourrait être enrayée par la bonne volonté des éducateurs.

Quand nous parlons du devoir de tout homme instruit, nous n’entendons pas parler uniquement de la vulgarisation de la science. On sait qu’elle ne suffit pas pour améliorer la conduite[1] ; on sait aussi quelle mauvaise réputation on lui a faite, ainsi qu’à l’esprit d’analyse qui en est la condition. D’abord, l’analyse psychologique conduite selon les nouvelles méthodes scientifiques a provoqué un travail de dissolution dans les notions morales.

  1. Spencer : Introduction à la science sociale. P. 387, sqq.