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LA CRISE MORALE

l’attrait de la gravure, du dessin obscène généreusement exposé et distribué. On connaît ces images, accompagnées de narrations circonstanciées, et représentant des scènes de violence, des crimes passionnels, ou simplement des accidents naturels, tels qu’explosions, chutes dans les montagnes, tamponnements de trains, naufrages. Le dessinateur invente de toutes pièces les détails d’une scène qui n’a pas eu de témoins ; et la gravure suggère l’idée de Ja mort brutale, alors que les jeunes imaginations devraient, au contraire, trouver, autour d’elles, des encouragements à la vie et à l’action.

N’y a-t-il pas aussi les pièces de théâtre, avec leurs titres alléchants, leurs exhibitions obscènes ? On joue nombre de pièces dont le « clou » est une scène scandaleuse, une « coucherie » accompagnée des dialogues les plus réalistes ; et la censure reste muette ou impuissante[1]. L’art dramatique est remplacé peu à peu par les music-halls et les cafés-concerts dans lesquels le public trouve plus abondamment la nourriture épicée dont il est friand. D’après une statistique du Temps, la recette des théâtres subventionnés a augmenté à peine de 10 % en 1903, tandis que celle des « boîtes à musique » a augmenté de près de 30 %. En 1894, le nombre des spectacles parisiens, généralement désignés sous le nom de cafés-concerts, n’était que de vingt-deux, et leurs recettes totales ne furent que de 7 094 000 francs. En 1908, le nombre desdits spectacles atteint quarante-cinq, et le chiffre de leurs recettes s’élève à 13 109 400 francs.

L’initiative d’apôtres courageux combat, malgré toutes les moqueries, par la plume et par la parole, contre toutes ces causes de dissolution morale. La Ligue Française de la moralité publique, dont le président était M. Gaufrès, récemment décédé, et dont le secrétaire général est M. L. Comte, mène une vigoureuse campagne contre la pornographie, l’alcoolisme, la prostitution réglementée, contre l’immoralité sous toutes ses formes, et aussi contre les lois ou institutions qui favorisent cette immoralité[2].

Il faut, par tous les moyens, faire disparaître ce virus qui s’est

  1. Voir Gaston Deschamps : Le malaise de la Démocratie, ch. IV.
  2. L’organe de la Ligue Française de la moralité publique est le Relèvement social, paraissant le 1er  et le 15 de chaque mois (40, rue Fontainebleau, à Saint-Étienne). La Ligue s’occupe aussi des colonies de vacances, et doit étudier la question de la recherche de la paternité.