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LA NOUVELLE REVUE

Ces œuvres et d’autres analogues luttent avec une grande efficacité contre les causes de démoralisation : l’abandon de l’enfance et la dissolution trop fréquente de la famille.

Il est aussi un autre agent de démoralisation, qui a d’autant plus d’influence que la famille est peu cohérente, et que ses conseils ou son autorité ne portent pas. Il s’agit de la littérature immorale, du feuilleton, des mauvais journaux qui « s’érigent en bourse de débauche » et, pour le sou dont on les paie, favorisent les plus mauvaises tendances[1]. Leurs suppléments prétendus « littéraires, leurs annonces de galanterie, sous des apparences quelquefois inoffensives, sont de véritables suggestions pour des actes d’immoralité. Que dire de l’exhibition d’écrits et de livres licencieux que nous voyons, tous les jours, dans les bibliothèques des gares ! On dira certainement que l’école est cause, tout au moins, indirecte, de l’empoisonnement et de l’immoralité par la lecture ; car, plus on apprend à lire, plus se généralise l’instruction, plus aussi cette littérature trouvera de clients. C’est vrai ; le seul remède sera dans une bonne loi sur la presse immorale, qui est encore à faire, sans qu’on ait la crainte de léser aucun intérêt commercial. La loi du 16 mars 1898 est encore la seule dont puissent s’autoriser les parquets, en vue de poursuivre les outrages aux bonnes mœurs. Un autre projet, déposé par le gouvernement, discuté et voté par le Sénat, institue une procédure nouvelle, et permettrait d’atteindre les étalages scandaleux, et la fabrication ou détention de publications ou objets du même genre. Ce projet de loi n’a pas encore été voté par la Chambre des Députés[2].

Il faut aussi que les instituteurs et les éducateurs de tout ordre s’efforcent de dégoûter le public de la littérature ordurière et l’habituent aux joies sereines du grand art, fait pour lui, et, non seulement, comme on l’a cru trop longtemps, pour les initiés de quelques cénacles.

D’ailleurs, pour ceux qui ne savent pas lire, il y a encore

  1. Fouillée, op. cit. p. 90, note.
  2. Voir, à ce sujet, les comptes-rendus des séances du Sénat, 25 février et 25 mars 1904. Nous nous faisons un devoir de signaler à l’attention de nos lecteurs le discours si précis, si documenté de M. R. Bérenger, président de la Ligue contre la licence des rues, dont on connaît la compétence, ainsi que l’énergie, quand il s’agit de lutter contre l’immoralité.