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LA CRISE MORALE

réputation[1]. Peut-on même appeler familles ces groupements d’individus cohabitant, mais n’ayant jamais eu entr’eux aucun lien d’idées et de sentiment ? Ne sont-ce pas plutôt des « monstres sociologiques » [2] dont l’influence n’aboutit qu’au dressage pour le mal et la vie désordonnée ?

C’est parmi ces êtres abandonnés, sans famille, sans domicile que se recrute l’armée du crime.

N’est-il donc pas urgent de soustraire les enfants aux influences démoralisatrices qu’ils pourront subir ? C’est le but d’une œuvre remarquable, qui s’adresse aux enfants dont l’Assistance publique ne s’occupe pas, parce qu’ils ne sont pas des orphelins, ou des enfants matériellement abandonnés. Nous voulons parler de l’Union française pour le sauvetage de l’Enfance, fondée en 1887, par Mesdames Caroline de Barrau et Pauline Kergomard, présidée par Jules Simon ; cette société s’occupe des enfants en danger moral, obtient des parents indignes qu’ils lui confient leur enfant, ou s’adresse aux Parquets et réclame, à son profit, la déchéance paternelle. Avec une intelligence parfaite des moyens de moralisation, la société place ces enfants de préférence à la campagne, dans des familles où l’action morale sera salutaire pour celui qui, souvent porte le poids d’hérédités redoutables. Ainsi, l’Union française pour le sauvetage de l’Enfance a recueilli ou placé plus de 2 000 enfants depuis sa fondation ; en 1903, elle en a placé 92 ; elle en a actuellement 892 à sa charge[3].

C’est dans le même esprit, mais avec un caractère plus général que, en 1879, s’était déjà fondée sur l’initiative de M. G Bonjean, la Société générale de protection pour l’Enfance abandonnée ou coupable, qui provoqua à Paris, en 1883, un congrès international. Cette société recueille les enfants délaissés, âgés de moins de 18 ans, les fait élever dans des établissements modèles, qu’elle crée et administre elle-même, ou dans des établissements privés, dont elle favorise la création ou le fonctionnement, crée et patronne des établissements spéciaux pour les jeunes détenus ; et son enseignement professionnel se rapporte surtout à l’agriculture[4].

  1. Fouillée, op. cit., p. 150.
  2. Grimanelli, op. cit., p. 74.
  3. Le siège social de l’Union Française est à Paris, 108, rue de Richelieu. Le nombre des membres cotisants est de 3 300.
  4. Siège social ; 47, rue de Lille, Paris. — On peut lire les deux volumes consacrés au Congrès international de 1883 ; on y trouvera une foule documents importants. (Paris, Pedone-Lauriel, éditeur).