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TRISTAN CORBIÈRE


Une intéressante monographie de M. René Martineau précise la biographie de Tristan Corbière, le poète des Amours jaunes, un de ceux que Verlaine classa parmi les Poètes maudits, c’est-à-dire les malchanceux et les méconnus, dans son livre qui parut en 1885.

Tristan Corbière était mort en 1875, à trente ans ; deux ans avant sa mort, en 1873, il avait publié son unique recueil les Amours jaunes, qui était donc le fait d’un homme de vingt-huit ans ; le livre avait sombré, pour bien des raisons ; littérairement, il était propre à déconcerter la critique ; pourtant une partie des poèmes qui le composaient avaient été accueillis à la Vie parisienne, mais ils avaient paru sous la signature : Tristan ; ce livre était donc proposé à la critique sans préparation et sous un nom nouveau. Puis, après sa publication, le poète, malade, ne tarda pas à repartir vers son pays natal, vers la Bretagne, sans plus se soucier de son œuvre. Ensuite, le livre publié chez des éditeurs récents, les Glady frères, qui devaient disparaître après avoir édité fort peu de volumes, (celui-ci, un roman d’un des deux frères, Albéric Glady, Jouir ; une édition de Manon Lescaut, avec préface d’Alexandre Dumas fils ; une édition de l’Imitation), fut soldé et dispersé sur les quais.

Un cousin de Tristan Corbière, Pol Kalig, qui variait la monotonie de fortes études médicales en rimant de curieux poèmes ironiques, avait pris à tâche de faire reluire un peu de gloire sur le nom de son parent disparu ; il colportait les Amours jaunes, et les fit lire par quelques amis et quelques jeunes lettrés ; mais cela ne suffisait point pour le faire arriver au grand public ; et seul, Verlaine, à qui Pol Kalig et Léo Trézenik, tous deux, comme Corbière, Bretons, avait apporté le volume, put, dans le bruit qui se faisait autour de lui, attirer l’attention sur les Amours jaunes.

Depuis, Tristan Corbière a pris sa place parmi, en quelque sorte, les précurseurs du symbolisme, ou plutôt parmi ceux en qui les écrivains de 1885 et des années qui suivirent immédiatement, reconnurent assez d’indépendance envers les modes littéraires précédentes et une originalité assez particulière pour les aimer et reviser les arrêts de leurs immédiats devanciers à l’égard de ces artistes. Tristan Corbière n’était pas Parnassien ; il n’a non plus rien d’un symboliste ; mais la critique étroite du Parnasse ne l’a pas encore admis ; la critique sym-