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LA MORT DES ÉTOILES

par Jules-L. Supervielle


Elle passa comme un parfum de fleur d’automne.
J’espérais la revoir et ne la voyais plus ;
Mon cœur était lassé de ne trouver personne,
Mes yeux étaient lassés d’avoir été déçus.

Un soir, comme j’errais, pensif et rêvant d’elle,
Que je voyais au loin les plaines s’endormir,
Et les horizons roux devant la nuit grandir,
Et, comme le soleil, l’oiseau fermer son aile,
Dans l’ombre, j’effeuillais mes amours, lentement,
Et lorsque j’eus fini, je regardais derrière
Ce qu’il était resté de cet effeuillement
Des étoiles d’argent s’élevaient de la terre…

Mais, soudain, je la vois, d’un pas calme et serein,
S’avancer lentement, délicieusement lasse,
Je la vois… elle vient… de mon bras je l’enlace,
Elle ferme les yeux comme pour voir plus loin.

« Oh ! laisse-moi les voir, tes yeux bleus, dans la nuit.
On dit qu’il est des cieux où l’on ne saurait dire
Si l’azur qui commence est l’azur qui finit,
Mais je n’ai jamais vu, quand je les vois sourire,
Ni rien de plus profond, ni rien de plus lointain
Que l’azur de tes yeux, ni rien de plus intense,
Et lorsqu’on croit qu’il va finir, il recommence !…
Les larmes de tes yeux s’en viennent de bien loin.
Oh ! laisse… Je voudrais les boire une par une,
Tes larmes, doucement, sous ces rayons de lune…