l’itinéraire qu’il a suivi, sur les villes qu’il a visitées, puis il parle à Vilaret de sa circonscription et insiste sur son grand regret de n’avoir pu faire en Bretagne, le voyage qu’il avait projeté et auquel sa santé un instant compromise l’a forcé de renoncer. « Ce n’est que partie remise, monsieur le Président, répond le député ; vous viendrez l’année prochaine ». Mais M. Carnot se contente de sourire, impénétrable dans sa volonté de ne pas laisser connaître avant l’heure, la résolution qu’il a prise. Et, quand l’audience s’achève, il garde un instant dans sa main celle d’Étienne et lui dit simplement ces mots : « Je sais que vous aimez beaucoup la France. C’est un amour qui ne trompe pas ». Vilaret s’arrête un instant dans la pièce voisine et échange quelques mots avec l’officier de service.
Passe la délégation bourguignonne, majestueuse et compassée ; l’huissier énumère pompeusement ceux qui la composent et au moment où la porte se referme, Étienne entend l’ingénieur à rosette qui, d’une voix de stentor, brame le discours qu’il a préparé. « Monsieur le Président, l’institution des rosières est une de celles qui méritent les encouragements bienveillants de la République… » Le faubourg Saint-Honoré, par cette belle matinée de printemps, est animé et joyeux. Vilaret, pressé, saute dans un fiacre qui passe tandis qu’Étienne descend à pied l’avenue Marigny. Quelqu’un l’aborde aussitôt. C’est Jean de Chateaubourg. « Tu ne connais pas l’histoire de cette nuit, s’exclame l’aimable garçon. Oh ! mon cher, elle est trop drôle ! ». — « Quoi donc ! Qu’est-ce qu’il y a ? » dit Étienne ahuri. — « Figure-toi que Champelin, tu sais bien ? Champelin qui est avec la petite Irma des Folies-Bergère ?… » — « Oui… Eh bien ? » — « Eh bien ! mon cher, il a passé six heures dans une armoire. Il était un peu gris en montant chez elle. Il s’est trompé d’étage. La porte était entrebâillée ; il est entré. Dans l’antichambre, il faisait noir, mais dans la chambre à coucher, on parlait. Il entendait une voix d’homme qui disait des choses tendres. Alors il a soupçonné Irma, mais il a préféré attendre que l’homme fut parti pour faire une scène, parce que je crois qu’il ne se souciait pas de se battre en duel. Il a gagné à tâtons un grand placard à robes qui est dans un coin de l’antichambre. Paraît que c’est la même chose à tous les étages. Il a ouvert le placard et s’est caché. Malheureusement au bout d’un quart d’heure quelqu’un a passé avec une lumière et voyant le placard ouvert a appuyé sur le battant avec la main. Et voilà mon Champelin en-