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plet encore que de coutume. Songez donc, c’est la faute au grec et au latin, s’écrie M. Jules Lemaître : expulsez-les ; tout ira bien — un seul remède est efficace, explique M. Demolins ; hors l’initiative privée, point de salut. — Et devant la commission d’enquête défilent une série de petits remèdes anodins qui feraient, si on les adoptait, l’effet des pastilles et des sirops conseillés par les pharmaciens zélés ; ils ne guérissent point le poumon malade, mais ils détraquent l’estomac. Voilà pourquoi j’estime que l’année n’a pas été bonne : ce qui, d’ailleurs, ne me surprend point et ne diminue en rien ma confiance dans le succès final.

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Le premier des écarteleurs, — en date comme en talent — est donc M. Jules Lemaître. Il a été aidé dans sa tâche néfaste par mon cher et excellent ami Gabriel Bonvalot. Celui-ci n’a pas oublié la grimace inquiète par laquelle je l’accueillis lorsque tout heureux de sa conquête, il vint me faire part de l’annexion prochaine de M. Jules Lemaître à son œuvre et des conditions auxquelles se faisait cette annexion. Le programme en était déjà arrêté. On couperait le cou au grec ; le latin serait saigné à blanc. Les sciences gouverneraient avec les langues étrangères et il y aurait une jolie place pour les exercices physiques. De tout cela résulterait une culture intensive de la volonté et des énergies vitales… Combien de fois, depuis dix ans, lorsque Bonvalot regardant la planisphère et sur la planisphère le vaste empire colonial de la France moderne, se désolait en songeant aux espaces vides et aux richesses inexploitées, combien de fois ne lui ai-je pas montré dans le lycéen l’ouvrier nécessaire de cette tâche lointaine. Il en était tout convaincu, d’ailleurs et, ensemble nous en revenions toujours à ce préambule inévitable de la colonisation : la réforme pédagogique.

Cela tient-il à notre race, cette bizarrerie, que chaque fois que vous parlez éducation, on vous répond : enseignement ? En tous cas l’interrogation posée au sortir du collège indique suffisamment la préoccupation de tous, parents et État. Ils ne demandent pas au maître qui a formé l’enfant : que peut-il ? Ils demandent : que sait-il ? Et cela leur suffit parce qu’ils s’imaginent que l’enfant pourra, dans la vie, en proportion de son savoir. Et ce n’est pas là un de ces préjugés courants que la foule répète ; c’est une