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DEUX COURTS RÉCITS

le cas était complexe, que le pardon des offenses était d’ailleurs un acte chrétien, et qu’une bonne épouse devait avoir un sentiment plus juste de la situation délicate et difficile où il se trouvait en présence de son ministre et de la nation. La Princesse riposta vivement et finit par dire que s’il s’était agi de ****, son écrivain favori, le Prince Régent n’aurait assurément pas bougé de chez lui.

« Celui-là est un honnête homme — répondit le Prince — Il y aura Dieu à son lit de mort. L’autre se contentera de moi ».

Et il ordonna à un aide de camp de faire dire aussitôt chez H. que S. A. R. y serait à quatre heures.

Dès qu’elle fut seule, la princesse Wilhelmine manda en hâte auprès d’elle un chanoine de la cathédrale qui était son aumônier privé, et son agent secret dans les affaires de conscience multiples où S. A. R. quelque peu tracassière en bien, suivant le mot de Chamfort, s’immisçait volontiers sans recourir au grand aumônier de la Cour. Elle voulut savoir par le chanoine si le clergé avait tenté ou se préparait à tenter quelque chose auprès de H. qui avait été croyant dans sa prime jeunesse et était notoirement lié d’amitié avec un évêque. Le chanoine répondit que la chancellerie épiscopale avait pratiqué quelque démarche, mais vainement. Eut-il été même dans de bonnes dispositions, qu’il aurait été impossible de parvenir jusqu’au moribond tant l’ennemi gardait bien l’antichambre. Cette résignation révolta la princesse qui fit observer qu’on peut circonvenir un millier de gardiens avec l’aide de Dieu, mais que ses ministres ne doivent pas se décourager. Alors le chanoine, piqué sans doute, et de l’air résolu de qui révèle un secret, confessa à S. A. que, à l’insu de l’Archevêque et de la Curie, un prêtre essayerait la nuit suivante de pénétrer auprès du malade, en se substituant à l’infirmière avec qui toutes les intelligences opportunes avaient été prises. — La Princesse battit des mains : c’était peut-être, lui-même, ce prêtre ? — Non, ce prêtre était un grand quémandeur d’aumônes que connaissait la Princesse, un saint homme, d’esprit borné, enthousiaste, inconsidéré, un de ceux qui voient des miracles partout et en attendent à tout moment. S. A. fut médiocrement satisfaite du choix, mais elle se tranquillisa quand elle apprit que de choix, il n’y en avait pas eu — le prêtre ayant déclaré lui-même à un ami qu’il voulait tenter le coup — et lorsque le chanoine eut fait remarquer à S. A. que l’instrument le plus imparfait peut être efficace dans la main de Dieu.