lui seul sait rire et pleurer. La grandeur simple, le bonheur calme et harmonieux d’une race entière se lisent dans ses yeux limpides ; sa poésie est la poésie du sens naturelle : la terre maternelle lui a donné la vie, la terre maternelle fera pousser des fleurs sur sa tombe. »
Zsiga qui vient de traverser les cercles concentriques de la société de Londres, de se mouvoir au milieu des joies factices du peuple de Paris ou bien de se heurter aux mensonges ensoleillés de l’Italie, Zsiga retrouve avec délices le contact de cette droiture et de cette simplicité ; et son enthousiasme s’exalte jusqu’au lyrisme. Chacun de ces retours au foyer lui inspire quelque protestation contre les mesquineries de nos existences occidentales, contre « la camisole de force de la fausse pudeur ». — Voici l’un de ces morceaux, le plus beau peut-être qui se soit échappé de sa plume. « Sous la pluie des rayons solaires du midi brûlant baigne le plus fameux d’entre les lacs de soude du Bas-Pays Hongrois : le Gyaparos. Les lumineuses flèches, verticalement, plongent en ses eaux inertes, s’y réfléchissent et inondent d’un éblouissement de clarté l’immensité incandescente. Là se baigne la paysannerie de trois comitats. Voici un jeune gars tout nu sur le dos d’un cheval qu’il maîtrise d’une main, tenant de l’autre le licou de ses trois poulains. Il entre dans l’eau parmi le clapotement des éclaboussures. Sur ses membres sculpturaux luisent les reflets huileux qu’y mit la chaleur du bon Dieu. Pas un muscle qui ne soit à la place qu’a voulu la nature dans sa large bonne humeur. Tout en lui est harmonieux comme le glorieux sourire de ses lèvres. Derrière lui ses deux sœurs cadettes en chemise de lin. Oh ! pudeur virginale plus nue dans le lin blanc que la nudité même ! Elles avancent à petits pas, serrant leurs chemises autour des seins sans se douter que ce geste les fait remonter le long des cuisses. Mais elles ne baissent les yeux ni l’une ni l’autre. Et pourtant le gars bruni qui sort du milieu du lac tout droit sur le devant d’une charrette dans le vêtement paradisiaque de notre père Adam les épaules crânement cambrées, c’est l’aimé de la plus jeune. Ils se regardent, se sourient avec fierté, se caressent le corps du front aux chevilles, y soufflant par leurs regards la chaleur éternelle qu’expriment les milliards de rayons dansants de ce soleil d’été, se sentant avec une inconscience sublime aussi bien l’un à l’autre, ici, sous les doux jeux des éléments que lorsqu’un jour ils seront devant le prêtre en costume