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elle encourage les Grecs. » L’ambassadeur d’Autriche à Paris écrit que M. de Villèle fait de l’homéopathie politique ; mais l’Angleterre, patrie de lord Byron, agit-elle mieux ? Elle songe à étendre à toute la Grèce le protectorat qu’elle exerce déjà sur les îles Ioniennes. Ce n’est pas de l’homéopathie, cela. Quant à l’Autriche, elle ravitaille les Turcs et viole les blocus grecs. « Le prince de Metternich, écrit encore Wellington, est entré corps et âme dans la manière de voir des Turcs. » Lord Aberdeen aura plus tard la franchise de le dire : la France et l’Angleterre sont entrées dans la triple alliance « pour prévenir la guerre entre la Russie et la Porte et pour empêcher l’établissement en Grèce d’une influence exclusivement russe ».

Cette triple alliance se scelle le 6 juillet 1827 ; Metternich a refusé de s’y joindre et la Prusse l’a imité. Que dit le traité ? Il stipule que « les Grecs relèvent du sultan, comme d’un seigneur suzerain, et lui payeront une redevance annuelle ». Pendant ce temps la guerre ne cesse pas. La chute de Missolonghi n’a pas découragé les Grecs ; leurs champs sont dévastés, leurs maisons sont détruites, les ruines s’entassent autour d’eux ; ils résistent toujours ; ils ne veulent plus du joug, qu’il soit musulman ou chrétien ; ils veulent « la liberté ou la mort ». Les puissances, qui désirent avant tout sauvegarder — la phrase est vieille — cette « intégrité de l’empire ottoman » au nom de laquelle nous sommes en train de mettre le feu à l’Orient, se voient obligées « d’unir leurs forces dans le but d’empêcher tout transport de troupes, armes et munitions de guerre » et comme la Turquie résiste, elles détruisent sa flotte à Navarin, tout en « assurant la Porte de leurs intentions pacifiques ». Les Français descendent en Morée, les Turcs marchent vers Constantinople… Mais c’est toujours au nom de l’intégrité de l’empire ottoman et les Grecs continuent d’être considérés, même après Navarin, comme les sujets du sultan. Le 16 novembre 1828, la Morée et les îles de l’Archipel sont « placées sous la garantie provisoire » de l’Europe. Nous voici en 1897 et ce délicieux euphémisme n’a pas vieilli.

Les Grecs constituent un gouvernement indépendant et placent à leur tête Capo d’Istria. Les puissances reconnaissent l’élection, mais point l’indépendance. Ce n’est qu’en 1829 que les délégués à la conférence de Londres se demandent « s’il ne serait pas désirable de constituer de suite l’État grec et de