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considérable de chemins de fer, le télégraphe, la poste ? Huit universités et 35 000 écoles, 38 sociétés savantes, 45 bibliothèques publiques, observatoires, musées, écoles des Beaux-Arts, conservatoires de musique ?

Lisez les comptes rendus de l’Académie des sciences et des sociétés savantes, et vous serez persuadé que la Russie livre son apport annuel à la science et que cet apport est de bon aloi.

Lisez les romans de Tolstoï et de Dostoiewsky, si vous ne les avez déjà lus, et vous y découvrirez une nationalité juvénile, une terre neuve et vierge…

La Russie, c’est la jeune sœur des nations européennes douée des défauts de la jeunesse et des grandes qualités des jeunes : la foi, l’enthousiasme, l’espérance, les hautes aspirations. Mais elle a de la race, elle est de bonne et ancienne noblesse. Comment ne pas s’expliquer cette sympathie naguère proclamée entre la France aristocratique, toujours rajeunie la descendante de Rome, et la Russie, fille de la Grèce ? Vieille amitié d’ailleurs datant du Tsar Pierre, de Catherine II, qui emportèrent de France des greffes et des grains qui germèrent dans la terre noire et fertile de leur pays.

La Russie est vaste, trop vaste pour la jalousie de celles des puissances occidentales qui ne conçoivent pas que la province frontière contre l’immense Asie doit être immense et que Byzance, par droit de succession, appartient aux Byzantins et non pas aux Turcs.

Rappelons en terminant que Saint-Simon, après qu’eut échoué le projet du Tsar Pierre d’une alliance avec la cour de France, gémissait sur la fascination fatale que l’Angleterre exerce sur la France et sur le malheur pour celle-ci de n’avoir pas compris la source de puissance qu’elle eût trouvée dans la Russie.


Auguste STRINDBERG.