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propre de la cour de Saint-Pétersbourg, et, après avoir provoqué l’ordre de faire converger toutes les forces du Caucase sur Merw, menaçait d’exciter l’opinion publique en Russie au point d’obliger le tzar à faire une véritable guerre. Si les régiments anglais ne se fussent retirés et si les régiments du tzar eussent pénétré sur le territoire de Caboul, c’est la presse anglaise, il faut en convenir, qui les y eût appelés.

À l’heure présente, la Russie se mesure en Perse avec les intrigues du cabinet anglais. Les deux puissances se trouvent vis-à-vis d’un État qui ne peut sans danger faire alliance avec l’une d’elles, et qui doit veiller jalousement à ce que leur influence soit égale ou tour à tour prépondérante, ce qui est relativement facile dans une cour asiatique.

Il est peut-être inquiétant pour la France de voir à Téhéran un homme dont les défauts sont encore là des défauts lorsqu’ils pourraient être des qualités ailleurs. M. Tricou fyit de la politique personnelle ; une grande prudence est nécessaire où notre diplomatie est tenue à la neutralité. Or, la prudence n’est pas le caractère distinctif de notre représentant auprès du shah, il l’a bien prouvé en Égypte.

Les nouvelles de concentration de troupes en Gallicie, comme la querelle des officiers de Kalisch, comme la défaite des Russes par les Turcomans, paraissent être de fabrication berlinoise avant d’être d’exportation anglaise. Pour ce commerce de traîtrises, M. de Bismarck accepte la liberté. Mais ce qui effrayait autrefois l’Europe, lui apprend aujourd’hui qu’elle doit se faire une opinion préventive à propos des machinations du chancelier. Et il faut que cette opinion s’oppose à la guerre entre la Russie et l’Autriche, comme la Russie et l’Autriche se sont opposées en 1875 à la guerre contre la France.

La répression, en Russie, semble engendrer la répression. C’est avec une véritable tristesse que les amis du tzar libéral le voient s’engager de plus en plus hors de la route que lui-même s’était tracée. L’empereur Alexandre sera-t-il longtemps sourd à ses propres paroles, que la Russie tout entière lui crie : « Mieux vaut que les réformes, arrivent d’en haut que d’en bas ? »

Sous notre plume revient, à ce propos, une citation du livre