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Jusqu’aux rues, jusqu’aux villes sont débaptisées. Il y aurait même une curieuse statistique à faire sur les millions de Slaves détruits depuis l’Elbe jusqu’à Kœnigsberg. La Prusse mérite le nom qu’avec justice on lui donne depuis un siècle : de mangeuse de Slaves.

Il doit y avoir, et il faut chercher, se disent en Autriche et en Russie les hommes politiques vraiment clairvoyants, une base commune d’entente pour les intérêts autrichiens et russes. Les deux peuples slaves ont été sans cesse trompés par Frédéric le Grand et par son glorieux disciple, M. de Bismarck. Aujourd’hui l’expérience de l’Autriche en 1866, trop vite, oubliée, l’expérience de la Russie, plus récente, leur prouvent que le prince-chancelier, en les poussant à la guerre, sait qu’il a tout à gagner dans une victoire de l’un des deux peuples, et qu’il n’a rien à perdre ni dans leur défaite, ni même dans la ruine de tous deux.

L’Europe n’a-t-elle pas enfin assez travaillé pour le roi de Prusse ? Comprend-elle ce qu’a voulu, ce que veut M. de Bismarck ? Les armements de l’Allemagne, l’augmentation de l’effectif qu’elle exige de ses alliés, son emportement lorsque ses adversaires se fortifient, tout cela ne prouve-t-il pas surabondamment à ceux qui ont la passion de la paix qu’il n’y a qu’un danger de guerre européenne : l’Allemagne, et qu’un danger de troubles intérieurs pour l’Italie, la Russie, la France : les procédés de M. de Bismarck ?

En tout cas, nous croyons avoir démontré qu’une alliance avec l’Allemagne est toujours une duperie, que le prince-chancelier usera sans scrupules, sans remords de tromper, de tous les moyens pour réaliser une conception fantastique : l’Allemagne entre quatre mers : celle du Nord, la Baltique, la mer Noire et l’Adriatique.


I

L’armée allemande, paraît-il, était insuffisamment organisée. A l’effectif de paix, déjà augmenté de 38,000 hommes cet automne, après le voyage de M. de Moltke en Alsace, il va être ajouté 27,000 hommes. Toujours le même procédé. M. de