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la nouvelle revue

tire dans sa guérite. Il en sort agneau timide, bêlant que toute l’Europe est contre la Russie, qu’il faut la calmer par un congrès à Berlin : l’Italie, comme toutes les autres nations, attirée par des promesses secrètes, y vient joyeuse, et le ministre Zanardelii, confiant en M. de Bismarck, crie au comte Corti en pleine gare de Rome : « Souviens-toi que le Trentin est à nous ! » Bismarck à cette nouvelle s’écrie : « Il est possible que je leur aie promis le Trentin, mais ils l’auront ou ne l’auront pas, suivant mes besoins. »

Le congrès de Berlin est une dernière lueur d’espoir pour la Russie qui n’a pas oublié les promesses faites et croit que là, chez l’allié, vis-à-vis duquel tous ses engagements ont été tenus, elle sera un peu défendue.

Le trompeur en a bien ri.

Mais, après ce procédé, ceux mêmes qui étaient aveuglés en Russie onteu les yeux dessillés à tout jamais. Il n’y avait plus, pour M. de Bismarck lui-même, malgré l’audace de ses ruses, un seul espoir de reprendre le prince Gortschakoff à quelque glu. C’est alors qu’il fallut se tourner complètement vers la. bonne Autriche, et l’on s’est tourné, quoique cela ne semblât pas facile après les fourberies de 1867.

En 1873, à la grande exposition, lorsque M. de Bismarck était allé à Vienne avec son empereur, il s’était senti plus curieusement regardé que tendrement accueilli par la population. L’impératrice s’était enfuie pour ne pas recevoir l’empereur d’Allemagne, et il avait fallu plus tard la surprendre, pour ainsi dire, à sa résidence d’été, à Ischl, pour qu’elle consentît à le voir. Les femmes, en Autriche, ont plus de divination que les hommes, ce qui arrive quelquefois ailleurs. Marie-Thérèse, au moment du partage de la Pologne, résistait à tous les hommes d’État, refusant de signer, répétant sans cesse : « Impossible que du roi de Prusse vienne quelque chose de bon pour l’Autriche. » La grande duchesse Sophie ne pardonnait pas 1866.

En Prusse même, une femme, l’impératrice, eut un jour l’intuition de l’avenir lorsque, parlant de l’homme qui a usé et abusé de tous les gouvernements, de toutes les nations, de tous les partis, elle disait : « Il est le fossoyeur de la dynastie. »