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que sur ses actes, non sur l’opinion de ceux qui l’ont approchés, diplomates ou secrétaires.

Après ses boutades de Francfort, son servilisme à Saint-Pétersbourg, ses méchants propos sur Paris, M. de Bismarck est appelé au ministère en 1862.

Tout d’abord, avec son amour exclusif de la guerre, il s’occupe passionnément de l’organisation de l’armée. Et, en même temps qu’il prépare ses forces militaires, il fait l’épreuve de son procédé de politique extérieure qui se résumera toujours par un mot : la fourberie. Ï1 encourage secrètement l’insurrection polonaise, tandis qu’il fait un traité avec la Russie pour l’écraser.

Puis, il conclut une alliance avec l’Autriche pour broyer le pauvre Danemark. Nouvelle traîtrise : il pousse son allié à prendre possession de Lauenbourg, et, après un souper à Gastein, par-dessous la table, il propose à l’ex-président de la Confédération germanique, le comte de Reichberg, l’achat de Lauenbourg pour 800,000 thalers, jouant son ancien supérieur à Francfort, déshonorant l’Autriche, et prouvant aux petits Etats que la maison de Hapsbourg peut les spolier pour de l’argent. Bon tour dont il se vante avec cynisme !

Après ces coups d’essai il mûrit son plan de bataille contre son alliée de la veille. Il a depuis longtemps préparé la France en se montrant à elle comme à la cour des miracles, sous l’apparence d’un faux infirme. La pauvre Prusse, difforme, c’est son mot, demande seulement à se redresser. Il lui faut la ligne du Mein. La bonne France peut prendre : « la Belgique, ce foyer de démagogie ; le Luxembourg, qui n’a aucune raison d’être ; elle doit rétablir sa limite naturelle à Sarrebruck. » L’Italie réclame la Vénétie, M. de Bismarck lui promet de l’appuyer dans ses revendications. En consultant les journaux de 1867, on retrouve la polémique acerbe de M. de Bismarck et du général La Marmora, et aussi la fameuse lettre du 19 juin 1866, par laquelle le comte Usedom proposait un plan de campagne au général La Marmora, plan qui portait « le coup au cœur de l’Autriche ». M. de Bismarck, voyant les petits États allemands fidèles à la maison de Hapsbourg, malgré le honteux marché de Lauenbourg, et n’étant pas encore certain des forces d’une armée qui ne