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d’ambition de sa part et de celle de ses amis, puisque tout en désirant ardemment le bien du peuple, il confessait que son parti n’était pas encore mûr pour le pouvoir. Il venait de publier un intéressant volume d’études sur la Souveraineté du peuple, ou Essai sur l’esprit de la Révolution. Ce livre dénotait un esprit habitué aux spéculations intellectuelles, adonné au culte des idées et n’en admettant pas la réalisation incomplète.

En sa qualité de membre de la gauche, il figura sur la première liste de proscription du 2 décembre 1851, à côté d’Edgar Quinet, cet autre grand ami de la liberté et de l’Italie.

Lors de l’expédition des Mille, Garibaldi, maître de la Sicile, se servit de l’expérience de de Flotte pour préparer et organiser le passage du détroit de Messine. Tandis qu’il abordait à Capo delle Armi, c’est-à-dire à l’extrême pointe de la Calabre, et marchait sur Reggio où il arriva le 20 août, de Flotte, à la tête de la compagnie française formant l’avant-garde de la division Cosenz, débarquait à Bagnara, où il eut à essuyer le feu du général napolitain Briganti. De Flotte fut tué dans le combat du 22 août, mais le passage de la division était assuré.

Garibaldi pleura de Flotte, donna son nom à la compagnie qu’il avait commandée et publia, le 24, l’ordre du jour suivant :

« Nous avons perdu de Flotte : les expressions de brave, d’intègre et de vrai démocrate sont impuissantes à rendre tout l’héroïsme de cette âme incomparable. De Flotte, fils de la France, est un de ces êtres privilégiés qu’un seul pays n’a pas le droit de s’approprier. De Flotte appartient à l’humanité entière, parce que, pour lui, là où le peuple souffrant se lève pour la liberté, là est la patrie. De Flotte, mort pour l’Italie, a combattu pour elle comme il aurait combattu pour la France. Cet homme illustre est un lien précieux pour la fraternité des peuples à laquelle tend l’avenir de l’humanité. Mort dans les rangs des Chasseurs des Alpes, il était, avec beaucoup de ses preux concitoyens, le représentant de la généreuse nation qui peut s’arrêter un instant, mais qui est destinée par la Providence à marcher à l’avant-garde des peuples pour la civilisation du monde. »

Il y aura bientôt vingt ans que Paul de Flotte est mort pour l’Italie. L’Italie n’a pas seulement la mémoire reconnaissante ;