Page:La Nouvelle Revue, volume 2 (janvier-février 1880).djvu/665

Cette page a été validée par deux contributeurs.
667
un monument à paul de flotte en italie

Le doigt de la Providence fut visible dans cette expédition où plus d’un trait toucha au merveilleux. Maintes fois il s’est trouvé que ce qui devait nuire a servi : quand les choses sont mûres, les obstacles mêmes se convertissent en leviers. Ainsi, on avait eu à déplorer qu’au moment de l’embarquement, soit trahison, soit rapacité, soit hasard, la barque des munitions eût disparu, et l’on s’en était aperçu trop tard. Or, le détour que l’on fit pour aller s’approvisionner à Orbitello, occasionna un changement de direction et un retard qui précisément firent échapper les deux vapeurs garibaldiens à la croisière napolitaine et permirent ensuite de débarquer librement à Marsala.

Dans sa proclamation aux Siciliens, Garibaldi disait : « Je vous amène un détachement de braves, survivants des batailles lombardes, qui se sont levés au cri héroïque de la Sicile. Nous voici, et nous ne cherchons que votre délivrance. Aux armes ! toute arme est bonne dans les mains d’un brave. La Sicile montrera une fois de plus comment un pays s’affranchit de ses oppresseurs par la puissante volonté d’un peuple bien uni. »

Et les Siciliens, sans distinction de parti, de sexe, de condition sociale, s’unirent et se levèrent pour rejeter le despotisme des Bourbons de Naples, qui s’étaient faits les serfs de l’étranger.

Dans son ordre du jour aux Mille, qui formaient le corps des Chasseurs des Alpes, Garibaldi disait : « La mission de ce corps est basée, comme elle l’a toujours été, sur l’abnégation la plus complète en vue de la régénération de la patrie. Les braves Chasseurs des Alpes ont servi et serviront leur pays avec le dévouement et la discipline des meilleurs corps militaires, sans autre espérance, sans autre prétention que celle d’une conscience sans tache : ni grades, ni honneurs, ni récompenses n’ont séduit ces braves. Ils s’étaient retirés dans la modestie de la vie privée quand a disparu le péril ; mais l’heure du combat ayant sonné de nouveau, l’Italie les revoit encore au premier rang, gais et tout prêts à verser leur sang pour elle… »

Et les Mille firent en effet à Calatafimi, puis à Palerme des prodiges de valeur. Dès sa première victoire du 15 mai, Garibaldi écrivant à Bertani glorifiait l’élan de ses Chasseurs des Alpes qui, vêtus en bourgeois, avaient battu de vieilles troupes.