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entreprise périlleuse ; mais je mets ma confiance en Dieu, dans le courage et le dévouement de mes compagnons d’armes. Notre cri de guerre sera toujours : Vive l’unité italienne, vive Victor-Emmanuel, son premier et son plus brave soldat ! Si nous échouons, j’espère que l’Italie et l’Europe libérale n’oublieront pas que cette entreprise a été décidée par des motifs purs de tout égoïsme et entièrement patriotiques. Si nous réussissons, je serai fier d’orner de ce nouveau et brillant joyau la couronne de Votre Majesté… »

En même temps, il adressait aux Italiens une proclamation où il disait : « Les Siciliens se battent contre les ennemis de l’Italie et pour l’Italie. C’est le devoir de tous les Italiens de les soutenir de leur parole, de leur argent, de leurs armes et surtout de leurs bras. Les malheurs de l’Italie ont eu leur source dans la discorde et aussi dans l’indifférence d’une province pour le sort d’une autre province. La rédemption italienne a commencé lorsque les hommes de la même patrie ont couru au secours de leurs frères en péril… Aux armes donc ! Finissons-en une bonne fois avec les misères de tant de siècles. Et prouvons au monde que ce n’est pas un mensonge que sur cette terre ont vécu des générations romaines ! »

Cette expédition de Sicile fut vraiment le pas décisif vers l’unité de l’Italie. Victor-Emmanuel voulait de tout cœur cette unité, mais la diplomatie lui liait les bras. Cavour et son parti, alors au pouvoir, étaient patriotes ; mais ils craignaient la Révolution. L’Angleterre désirait l’extension des libertés constitutionnelles mais elle ne voulait point voir la Sicile aux mains d’une grande puissance. L’empereur Napoléon III venait de rejeter les Autrichiens hors de Lombardie ; mais, comme son oncle, il voulait conserver le plus longtemps possible la Péninsule sous sa tutelle. Les Bourbons s’étaient rendus impossibles dans les Deux-Siciles : après tant de parjures, nul ne pouvait plus croire à leur parole, ni à leur conversion. Mais les Muratistes intriguaient et pouvaient, à un moment donné, avoir l’appui du parti clérical, qui sentait que l’Italie méridionale ne pouvait pas être réunie à l’Italie septentrionale sans que le pouvoir temporel de la papauté fût étouffé.