Page:La Nouvelle Revue, volume 2 (janvier-février 1880).djvu/418

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quand sur le noir velours dont s’encadre sa loge
Elle rêve, perdue en un songe profond,
Je veux que du parterre au cintre du plafond
Toute lèvre, à son nom, s’entr’ouvrc pour l’éloge.

Mais surtout, oh ! surtout, dans le mystique chœur,
Dans le temple secret où j’ai mis son image,
Oh ! je veux entourer d’un éternel hommage
L’indestructible autel que lui dresse mon cœur.

Je veux que mon amour soit comme un tabernacle,
Comme le sanctuaire où sa divinité
Rayonne, dans l’éclat de sa toute-beauté,
Au-dessus du vertige, au delà de l’obstacle.

Ainsi, d’une espérance invincible rempli,
Je chantais la divine amante de mon rêve ;
Mais mon vouloir trompé dans la douleur s’achève,
Le temple de mon cœur s’écroule dans l’oubli.

Je récolte l’affront, je recueille l’insulte
Au pied de cet autel bâti par mon amour ;
Celle que j’adorais a détruit sans retour
L’idéal sanctuaire où j’exaltais son culte.

Et dans l’âpre chemin de l’éternel devoir
Je reprends tristement ma tâche solitaire.
Hélas ! qui donc peut croire à l’Eden sur la terre ?
Et par quels deuils poignants s’achète le savoir !


Francis PITTIÉ.