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Je veux qu’en la voyant chacun dise C’est elle !
Elle, la Beatrix de ce Dante nouveau,
Celle qui fait éclore en ce puissant cerveau,
Comme une fleur de feu, la pensée immortelle.

Je veux que sa beauté soit le vivant soleil,
L’astre clément et sûr dont s’éclaire ma route ;
Je veux que pour mon cœur, qui la reflète toute,
Elle soit le flambeau, le guide et le conseil.

Je veux que sur son front, où la pudeur rayonne,
Le vert laurier s’enlace aux myrtes de Cypris,
Et que l’âge futur, de ses grâces épris,
Dise : C’était sa Muse ! et c’était sa madone !

Je veux que l’avenir charmé sache son nom ;
Oh ! je veux dans le ciel des Elvire et des Laure,
Sur l’aile de mes vers porter ce nom sonore,
Et graver sur l’airain son immortel renom.

Mais ce n’est point assez d’une gloire lointaine :
Devant elle chassant le terrestre souci,
Attentif serviteur, je veux, je veux aussi
Sous un dais triomphal l’asseoir comme une reine.

Je veux que les trésors par l’esprit enfantés
Exaltent tour à tour et lassent son envie ;
Je veux que tous les arts répandent sur sa vie
Un éblouissement de feux et de clartés.

Je veux que les plus grands, je veux que les plus belles
Sous son sceptre charmant se courbent volontiers,
Et qu’elle règne ainsi, tout un peuple à ses pieds,
Idole d’une cour qui n’a point de rebelles.

Dans le vertigineux enivrement du bal.
Je veux qu’au frôlement de sa robe de gaze
La foule des danseurs se montre avec extase
La rhythmique grandeur de son geste idéal.