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POÉSIES



I


PENDANT UNE ABSENCE


Comme je m’irritais des lenteurs du retour,
Celle dont je portais déjà l’étroite chaîne
M’apparut, et blessé d’une flèche soudaine,
Je connus la profonde angoisse de l’amour.

Ses beaux yeux, dont l’éclat peut effacer le jour,
Sans doute par pitié pour ma poignante peine,
Se fixèrent sur moi, sans colère et sans haine :
« O mon cœur, ai-je dit, saigne ! voici ton tour. »

Elle passa, sereine et grave ; sous ses voiles
Ses regards scintillaient, ainsi que des étoiles,
Et leurs rayons charmants ont pénétré ma chair.

Angoisse de l’amour, douleur, tu m’es sacrée ;
O tourment immortel des âmes, tu m’es cher,
Depuis ce soir divin où je l’ai rencontrée.


II


SOLUS ERIS


Je veux, m’étais-je dit, sous ses pieds adorés
Faire germer les lis de l’éternelle joie ;
Je veux qu’à flots nombreux le velours et la soie
Du temple de sa vie inondent les degrés.