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Maxime s’offrit à tourner les pages. Mme Gannerault souriait à son élève, Mme Laforest chantait faux avec aplomb, le colonel était béant, et personne ne songeait à l’héroïne de la fête qui froissait sa jupe blanche à la place d’honneur.

Après les compliments d’usage, Maxime se souvint que j’existais. Il m’embrassa, m’appela sa petite amie, et me tourna le dos. À table, Mme Laforest m’interrogea sur mes impressions.

— Elle est bien heureuse, la chère petite, bien heureuse ! C’est le plus beau jour de la vie, assurément… Oh ! ce voile blanc !… Quel rêve ! Dès huit ans, madame, j’y pensais… Ça m’a donné des distractions, par exemple !… J’étais folle à l’idée de me marier… pour le voile et la couronne… Croyez-vous ! Il n’y a plus d’enfants !

— Le fait est, appuya l’un des vieux musiciens, que, sans l’attrait du costume et des cérémonies, bon nombre de jeunes personnes prolongeraient, avec raison, leur séjour dans leur famille.

— Et l’on verrait moins de femmes écervelées, ajouta Mme Tabat aigrement.

— Mon Dieu ! fit Mme de Corhouët, de quoi allons-nous parler devant cette enfant !

Tout le monde convint qu’il fallait respecter le recueillement du petit ange. Au dessert, on but à mon bonheur, à mes progrès, à ma famille adoptive. Ma marraine, émue, s’essuyait les yeux. Comme on se levait de table, elle demanda à son fils :

— Ne veux-tu pas nous accompagner ?

— À vêpres !…

Il sourit :

— Non, chère maman. Je dois passer au Tambour… et même… je le regrette !… mais je suis attendu à Versailles pour dîner.

Mon parrain répliqua…

— Bon bon ! C’est toujours la même chose. Nous ne te voyons plus. Aujourd’hui, pourtant, pour cette fête de famille… j’aurais cru…

— Pierre ! Pierre ! fit Mme Gannerault.

Les dames s’engouffraient dans la chambre de ma tante pour mettre leurs manteaux et leurs chapeaux. Mme Laforest avait prié Maxime de l’aider à chercher sa musique. Je me trouvai seule dans l’antichambre, et l’idée me vint d’avertir la jeune