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Si par hasard les livres trop éloquents, les amitiés trop curieuses sont écartés du gynécée, la vierge conservée jusqu’à dix-huit ans dans cet état de candeur idéale arrive au mariage dépourvue de tout recours contre la conspiration des familles et des jeunes gens. On lui présente un fiancé pareil à la moyenne des hommes qu’elle a rencontrés dans le monde. Parfois sans déplaire, l’étranger ne plaît qu’à demi… Mais le père, la mère, la nécessité de s’établir, la vanité d’être madame, se liguent contre ces légères et significatives répulsions que la jeune fille elle-même trouve déraisonnables, ignorante qu’elle est des raisons profondes et des conseils de l’instinct. Elle se marie donc : elle accepte un contrat dont elle ne connaît point la principale clause — cette clause qui l’eût fait reculer et se reprendre dans une révolte de pudeur — elle jure une fidélité dont elle ignore le prix, une obéissance dont elle ignore le caractère. Le lendemain des noces, brutalisée, écœurée, elle se soumet comme un animal passif ou médite déjà des revanches dont seront seuls responsables les parents, le mari, les absurdes mœurs qui ont tendu le piège légal, patenté et fleuri, où tombe la vierge pour s’y réveiller femme.

— Hélas ! diront les mères, une fille instruite, avouant qu’elle sait, ne rencontrera pas un homme assez courageux pour l’épouser. L’innocence de la fiancée est le gage de la fidélité de l’épouse.

En êtes-vous bien sûres, pauvres mères ? Quant aux hommes qui n’auraient pas le courage dont vous parlez, leur prudence prouve la médiocrité de leurs mérites. Ils sentent qu’ils ne peuvent se faire accepter que par ruse et que la vierge, capable de sacrifier sa pudeur à l’amour, ne la sacrifierait point, peut-être, à leurs ignobles calculs et à leur souverain égoïsme. Ils suppriment la difficile, glorieuse et charmante conquête qu’accomplira, plus tard, le vengeur, l’amant ! Ils ne se doutent pas que l’épouse qui sort épouvantée et révoltée de la nuit des noces est vouée à l’adultère où du moins sa personnalité, sa volonté consciente, agiront pleinement et librement.


L’époque de ma première communion étant arrivée, je fus conduite, sous les auspices de Mme Dumarquet, au catéchisme de Saint-Jacques. J’y brillai peu. Était-ce à cause des instructions techniques sans émotion ni simplicité, était-ce l’effet d’une préparation incomplète et maladroite, mais la religion qu’on me