Page:La Nouvelle Revue, volume 102 (septembre-octobre 1896).djvu/694

Cette page n’a pas encore été corrigée

696

LA NOUVELLE REVUE.

assiégés l’honneur de cette héroïque résistance, dont mon père était l’âme. Il était temps ; la neige redoublait d’intensité et l’obscurité venait. Cernés de toutes parts, sans vivres, avec des munitions restreintes, cette lutte inégale n’aurait pu durer longtemps. A la fin de la journée, nous combattions contre la brigade Landskroy tout entière.

« Les événements contemporains ont presque tous un certain rapport avec les faits historiques similaires. Ainsi, on a comparé la situation du maréchal Oudinot à Plechnitsoui à celle de Charles XII, à Bender.

« Doués tous les deux d’une égale fermeté d’âme, animés au plus haut degré de ce courage communicatif qui supplée à l’infériorité du nombre, blessés grièvement l’un et l’autre, ils ont soutenu une lutte disproportionnée qui tient du prodige ; là est la ressemblance entre les deux faits d’armes de Bender et de Plechnitsoui. Voici maintenant la dissemblance : « Le roi de Suède avait perdu en un jour, à Pultawa, le fruit de neuf années de travaux et de cent combats. A Bender, il ne résistait point aux Russes, ses ennemis, mais aux Turcs, généreux alliés dont il épuisait la patience et la magnanimité. Tête de fer autant que cœur de lion, le maréchal français venait, lui, d’ouvrir à l’armée de Napoléon le passage de la Bérésina. L’opiniâtre défense de Plechnitsoui a eu pour résultat de le préserver de la captivité, qui eût été pour lui plus redoutable que la mort « Le temps, qui fera passer ce dernier fait d’armes à l’état légendaire, lui imprimera une consécration éternelle. L’inébranlable ténacité du duc de Reggio sera ainsi un exemple aux gens de guerre et tournera au profit de l’avenir (1). » (A suivre.)

(1) La belle défense de Plechnitsoui est rapportée dans les Souvenirs de la duchesse de Beggio et dans ceux du grenadier Pils, d’une façon identique dans le fond, mais un peu différente dans la forme. Un témoin oculaire comme le fils aîné du maréchal ne pouvait qu’apporter son contingent de lumière à ce beau fait d’armes, et c’est pour cela que nous le reproduisons. Ces trois récits se complètent l’un par l’autre, mais celui de Victor Oudinot est le mieux documenté en ce sens qu’il donne des faits nouveaux à ajouter aux deux autres.