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— Non, Platocha, ma petite colombe, je n’en ai pas besoin. Pardonnez-moi, je vous prie, de vous avoir effrayée. Dormez tranquillement, je ferai de même.

Platonida resta quelque temps encore, montra du doigt la bougie, grommela :

— Pourquoi ne l’as-tu pas éteinte ? Un malheur est si vite arrivé !

Et, en s’en allant, elle ne put s’empêcher de faire trois signes de croix dans la direction de son neveu.

Aratof s’endormit immédiatement et dormit très bien jusqu’au matin.

Il se leva dans une excellente disposition d’humeur, quoiqu’il lui semblât qu’au fond il regrettait quelque chose. Il se sentait léger et libre. Quelles folies romantiques ! se disait-il à lui-même en souriant. Il ne regarda pas une seule fois ni le stéréoscope ni le feuillet arraché, et, aussitôt après le déjeuner, il alla chez Kupfer. Il ne se rendait pas bien clairement compte de ce qui l’y poussait.

XVI

Aratof trouva son ami à la maison. Il bavarda un peu avec lui, lui fit des reproches de les avoir oubliés, lui et sa tante, écouta quelques nouvelles de la « femme d’or », de la princesse, dont lui, Kupfer, venait de recevoir de Jaroslaf une calotte en drap d’or avec de la broderie en écailles de poisson ; puis, s’asseyant devant lui, il le regarda droit dans les yeux et lui dit qu’il avait été à Kazan.

— Tu as été à Kazan ? Pourquoi faire ?

— Mais… pour rassembler des renseignements sur cette Clara.

— Sur celle qui s’est empoisonnée ?

— Oui.

Kupfer hocha la tête.

— Voyez-vous ce petit innocent du bon Dieu ! il s’est fendu de mille verstes — aller et retour. Eh ! pourquoi faire ? Si au