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Quelques instants se passèrent avant qu’il parvînt à rallumer sa bougie. Il n’y avait personne dans la chambre, et il n’entendait plus que le battement précipité de son cœur. Il but une gorgée d’eau et resta immobile, la tête sur la main. Il attendait ; il s’était dit : Je veux attendre ! Ou ce ne sont que des folies, ou elle est ici… Elle ne viendra pas jouer avec moi comme le chat avec la souris. Il attendit longtemps, si longtemps, que la main qui soutenait sa tête en fut tout engourdie. Ses yeux se fermaient ; il les rouvrait de nouveau, ou du moins il lui semblait qu’il les rouvrait… Sa bougie était presque éteinte, la chambre à demi assombrie, et, dans cette demi-obscurité, la porte blanchissait confusément en tache allongée. Voici que cette tache glisse, disparaît, et à sa place, sur le seuil, apparaît une figure féminine. Aratof regarde fixement.

Ah ! c’est Clara, cette fois !

Elle le regarde aussi fixement… elle a sa couronne de roses sur la tête… et elle marche droit à lui… Un grand frisson secoue Aratof… il se soulève… Devant lui se tient sa tante, en camisole blanche, un bonnet de nuit sur la tête et un nœud de ruban couleur de feu sur le bonnet.

— Platocha ! murmura avec difficulté Aratof, c’est vous !

— C’est moi, Yacha, répondit Platonida.

— Pourquoi êtes-vous venue ?

— Mais c’est toi qui m’as réveillée. Tu as commencé par gémir, et puis tout à coup tu as crié : « Sauvez-moi ! Au secours ! »

— J’ai crié, moi ?

— Oui, toi, et encore d’une voix si enrouée « Au secours ! » Je me suis dit : Seigneur, ne serait-il pas malade ? Et je suis venue… Mais tu te portes bien ?

— Parfaitement.

— Alors tu as fait quelque mauvais rêve… Veux-tu que je brûle un peu d’encens ?

Aratof jeta un regard sur sa tante et partit d’un éclat de rire. La figure de la bonne vieille dans ce bonnet de nuit, avec ce nœud bizarre au-dessus de son visage long et effrayé, était d’un effet très comique. Tout ce surnaturel qui entourait Aratof, qui l’étouffait, disparut en un clin d’œil.