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APRÈS LA MORT


I

Au printemps de l’année 1878, à Moscou, dans une petite maison en bois, sur la Chabalofka, vivait un jeune homme de vingt-cinq ans, du nom d’Aratof.

Avec lui habitait sa tante, une vieille fille de plus de cinquante ans, sœur de son père, Platonida Ivanowna. Elle prenait soin de son ménage et réglait les dépenses, choses dont il était absolument incapable.

Il n’avait point d’autres parents. Plusieurs années auparavant, son père, petit gentilhomme peu aisé du gouvernement de T…, était venu s’établir à Moscou avec lui et Platonida, que du reste, il appelait toujours Platocha, nom que son neveu lui donnait aussi. Ayant abandonné la campagne qu’ils avaient tous constamment habitée jusqu’alors, le vieil Aratof s’était établi dans la capitale, avec l’intention de faire entrer son fils à l’Université. C’est lui-même qui lui avait fait faire les études préparatoires.

Il acheta pour peu d’argent une maison dans une des rues écartées de Moscou, et s’y installa avec ses livres et ses « préparations », et il en possédait beaucoup, de ces livres et de ces « préparations » ; car c’était un homme qui ne manquait pas de science, un « original fini », d’après le dire de ses voisins. Il passait près d’eux pour sorcier, et même ils lui avaient donné le surnom « d’observateur d’insectes ». Il s’occupait de chimie, de minéralogie, d’entomologie, de botanique et de médecine ; traitait les clients volontaires avec des herbes, avec des poudres