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Que de fois, sous des formes différentes, n’a-t-elle pas traité le problème du mariage ? Et sa manière de traiter un tel sujet est l’un des plus sérieux griefs de beaucoup de critiques. Elle connaît peu les ménages heureux, et les jeunes qui puiseraient l’expérience de leur vie dans ses romans, risqueraient surtout d’y puiser un profond découragement ; en tous cas, ils garderaient d’une telle lecture une notion fausse de l’équilibre vrai qui doit maintenir nos sentiments.

Qui voyons-nous dans sa triste galerie conjugale ?

André, le caractère faible, bon et doux peut-être, mais qui, par horreur de la lutte, accepte tout et sacrifie sa femme.

Jacques, l’homme supérieur, doué d’une étrange faculté de souffrance, marié à une enfant qu’il adore, mais qu’il corrompt moralement par sa manie de l’analyse : il l’abandonne à ses penchants et la laisse seule un jour en se suicidant par lassitude.

Valvèdre, le philosophe à l’âme grande, le type de ces hommes chers à G. Sand, qui excusent les pires folies de leur femme et les leur expliquent avec une compassion toute apostolique, le mari hors nature, très malheureux, en résumé, et rendant sa femme plus malheureuse encore.

Comme il faut augurer tristement des mariages qu’elle conclut ! Césarine Diétrich est cynique, quand, la veille de son mariage avec un indifférent, elle va trouver l’homme qu’elle aime et s’offre à lui.

Valentine, la jeune fille de race, ose bien s’éprendre du neveu de son métayer. Elle aura sans doute le cœur soulevé au bout de peu de temps par les habitudes villageoises de son mari. Gageons qu’elle lui reprochera bientôt de sentir l’étable.

La jolie petite comtesse d’Estrelle, du roman d’Antonia, regrettera plus d’une fois aussi, avec son jeune peintre, Julien Thierry, sa grande existence d’autrefois[1].

Nous n’osons pas croire, non plus, que le ménage du chanteur Adriani et celui de Constance Verrier, soient unis très longtemps.

  1. Il est à remarquer que les jeunes filles de G. Sand sont d’une hardiesse et d’une indépendance sans égales ; le plus souvent elles sont fantasques ou originales ; il en est peu d’aussi sympathique que Mlle de Saint-Genieix. (Marquis de Villemer.)