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a tracé d’elle un portrait physique très flatteur. Il paraît que sa taille mignonne, sa main d’une perfection achevée, ses épais cheveux noirs, ses grands yeux sombres et scrutateurs d’où s’échappait une flamme intérieure, dont tout son visage s’éclairait, lui donnaient un charme très rare et très personnel[1].

Dès cette époque, elle travaille beaucoup ; le jour, elle lisait, étudiait ; la nuit elle écrivait. Ses maîtres préférés furent Leibnitz, Lessing, Herder, Quinet, Reynaud. Elle se passionne pour Lamennais et subit d’une façon fâcheuse l’influence de Pierre Leroux. En général, M. d’Haussonville l’a bien fait remarquer[2], elle se laissa dominer par des intelligences qui ne valaient pas la sienne. Elle se perdit dans les dissertations les plus confuses et écrivit quelques livres de morale soi-disant sociale et humanitaire[3] qui resteront la part la moins lue et la moins intéressante de son œuvre. On a dit d’elle alors spirituellement « qu’elle se poudrait de rouge. »

Il faut reconnaître cependant qu’il y avait en elle un véritable amour des opprimés et des malheureux : elle avait la grande pitié de ceux qui souffrent : les inégalités sociales lui donnaient parfois des crises de découragement, et « les douleurs immémoriales » de la terre la trouvaient profondément compatissante.

George Sand fut gagnée par ce mal qui fit tant de victimes et dont elle fut une des plus illustres blessées la maladie du romantisme, la maladie byronienne. Ce fut son malheur. Elle personnifia pour un temps son héroïne Lélia, la femme désabusée, poétique et fausse. Elle voulut mettre en pratique les sentiments de la littérature de son temps. Elle clamait partout qu’elle cherchait le fantôme de la tendresse idéale, sans voir qu’elle se laissait aller surtout aux excès de la passion. Ce fut l’époque de sa liaison avec Musset, de ce court mais retentissant roman d’amour dont on a pu dire qu’il fut le plus grand du siècle. Cette liaison ne fut pas longue, en effet, d’août 1833 à avril 1834, de septembre 1834 à mars 1835. Mais

  1. Lire Lui ! par Me Louise Colet.
  2. G. Sand, par M. d’Haussonville. Revue des deux Mondes 15 fév. et 15 mars 1878.
  3. Le compagnon du Tour de France, le Meunier d’Angibault, le Pêché de M. Antoine, Horace.