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de vivre en bonne intelligence avec son mari, l’entente ne parvint jamais à s’établir entre leurs deux natures trop dissemblables. En pareille occurence le devoir était simple pourtant : patienter jusqu’au jour où, la vie commune étant devenue intolérable, il faudrait prendre le grave parti de la séparation. Vivre ensuite dans la retraite.

Mais la passion d’écrire lui était déjà venue. Lasse des dégoûts éprouvés dans son intérieur, elle a résolu de suivre la carrière littéraire.

Qui sait même si déjà certaines influences ne se faisaient pas sentir ? Bref, elle commet la grosse faute de sa vie elle quitte le baron Dudevant et va vivre sans lui à Paris.

À quoi tiennent les destinées, et que serait devenue la sienne si son mari l’avait comprise, l’avait dirigée sans violence et avait laissé un peu de liberté et de plein air à son libre tempérament. Elle se serait contentée, peut-être, de beaucoup monter à cheval, de beaucoup chasser et de beaucoup tricoter. Elle commença, en 1831, sa vie de gamin, entrecoupée, paraît-il, de certains retours de dévotion : elle quitta son nom et se baptisa elle-même non sans audace ; elle courut les théâtres, fréquenta le quartier latin, vêtue en homme, la cigarette aux lèvres. Le parfum romantique qui grisait toutes les têtes acheva de la perdre : elle vécut dans le faux, oublieuse de ses devoirs oublieuse des convenances. Elle se lia avec les artistes et les écrivains de son temps et devint peu à peu la commensale et l’amie de Delacroix, Delatouche, Balzac, Buloz, de Sainte-Beuve « la chère et précieuse lumière de sa vie[1]. »,

Entre temps, ce qui devait arriver, arriva. Elle resta toujours une mère très aimante, très attachée à ses enfants, mais elle cessa d’être une honnête femme. Elle se lia avec Jules Sandeau, liaison d’étudiants pour ainsi dire dans laquelle l’auteur de Mariana apporta toute sa tendresse discrète, prévenante et passionnée à la fois, chaque jour un peu plus épris de son amour, car G. Sand était sinon fort belle, du moins extrêmement attachante avec son regard d’une beauté surprenante, si tendre et si terrible à la fois. Ceux qui en avaient été caressés ou repoussés ne l’oubliaient jamais. Henri Heine[2]

  1. Ex-dono de Valvèdre
  2. Lire Lutèce