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des foules malheureuses et qu’il prêcha la divine charité inconnue avant lui. Elle était plus juste, le jour où elle écrivait, sous forme de boutade, que le chef d’État rêvé devrait avoir le génie de Napoléon et le cœur de Jésus.

Elle était cependant croyante à sa façon et s’était forgé une religion personnelle. Elle n’acceptait d’ailleurs rien de ce qui l’effrayait ou la gênait. Ce qu’elle appelle « la fiction de l’enfer » la révoltait. Elle préférait de beaucoup le dogme de la Rédemption et trouvait une douceur immense à cette idée que tous les hommes étaient frères et se trouvaient sauvés par la force et l’efficacité d’un même amour divin. Elle écrivait dans la seconde moitié de sa vie « La doctrine éternelle des croyants, le Dieu bon, l’âme immortelle et les espérances de l’autre vie, voilà ce qui en moi a résisté à tout examen, à toute discussion et même à des intervalles de doute désespéré[1] ».

Si elle a porté sur l’avenir des regards plus avides que ne le permettait l’Église, elle n’a pas abjuré, dit-elle, la plus belle partie des vérités évangéliques.

On a soutenu qu’elle fut « une catholique inconsciente » malgré ses déclamations injustes et sa haine irraisonnée contre la Papauté. Oui, mais quel triste exemple fut le sien. Elle ne pardonnait pas à Lamartine d’avoir conservé ses croyances intactes. Elle a écrit au prince Napoléon ou au pasteur de Strasbourg telles ou telles lettres qu’on aimerait à retrancher de sa Correspondance. Elle ne craint pas, ce qui est indigne d’elle, d’accumuler, dans beaucoup de ses livres, les railleries souvent équivoques sur les moines paresseux, sur les chapelains gourmands, sur tout ce personnel usé, voué d’avance au ridicule, et qui maintenant n’égaie même plus les imbroglios d’opérettes. Alors elle n’est plus elle-même. On la préfère, quand malgré tout, au souvenir de je ne sais quel passé, au son lointain de je ne sais quelles cloches de Pâques qui viennent tinter à son cœur, elle jette un de ces cris de foi souvent mystique, quand elle se retourne vers Dieu, « auquel j’ai « toujours cru, dit-elle, même dans le temps où je ne l’aimais plus,

  1. Histoire de ma vie, t. VIII, p. 172.