Page:La Normandie littéraire, année 15, tomes 7-8, numéros 1 à 11, 1900.djvu/126

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belle, la douce et sainte amitié, et les lignes écrites par elle sous l’empire d’idées semblables sont plus précieuses que tant de pages plus connues dans lesquelles, par exemple, elle discutera brillamment quelque problème littéraire avec Flaubert. Elle est supérieure lorsqu’elle oublie tout à fait son métier d’écrivain et laisse ingénûment parler son cœur.

Dans sa correspondance, George Sand compatit à toutes les souffrances humaines ; elle eût même, il faut le reconnaître, je ne sais quelle prescience des exigences sociales à la fin de son siècle, et longtemps d’avance elle entendit le cri de détresse, devenu presque menaçant aujourd’hui et qui viendrait remuer, bouleverser peut-être, l’ordre de choses établi. À lire les lettres de George Sand, on serait tenté de croire qu’elle fût sans orgueil, ce qui n’est pas. Mais elle fut bienveillante et ne tranchait jamais de sa supériorité. Elle acceptait toutes les tâches les plus modestes de la femme, et quand l’heure des égarements passionnés fut achevée, elle se trouva presque toujours présente devant les devoirs de la vie. Il y avait, en elle, un peu de la philosophie sereine du bonhomme Patience, son philosophe, sans le savoir, de Mauprat, cet être réfléchi, bon, simple, qui goûtait si fort « la pauvre liberté du bon Dieu, la nature, et le silence des nuits fleuries d’étoiles. » Elle n’eut de volonté qu’en une chose ne pas se laisser submerger par le chagrin et le désespoir de ce monde. Elle fut tendre, droite, généreuse. Elle n’eut ni amertume ni envie et restait étonnée de l’aversion des autres car elle croyait bien ne haïr personne.

Mme Sand répète beaucoup, avec une sorte d’ostentation : Je suis simple, je ne suis pas habile, je suis bourgeoise et niaise.[1] Et c’était vrai. On a bien dit du grand Corneille qu’il était simple et naïf. Elle fut amenée à faire des concessions au milieu artiste où elle vécut trop, mais au fond, elle était femme d’intérieur et tenait le goût du « home de son père et de sa mère, le petit ménage pauvre et si amoureux.

Mais elle n’avait aucune idée des convenances et elle eut le tort

  1. (1) La note spirituelle manque à G. Sand dans ses œuvres : elle ne sait pas plaisanter.