Page:La Nature, revue des sciences, année 10, premier semestre, 1882.djvu/335

Cette page n’a pas encore été corrigée

mouvementée. Par places, il s’en détache de hautes colonnes qui sont dues à des jets de lave consolidés, d’autres fois la lave s’amoncelle et figure des paquets de cordages entrelacés (fig. 3). On voit encore la surface des coulées s’élever sous forme de dôme ; ces ampoules crevassées sont souvent {{corr|perçées|percées} au sommet d’une large ouverture évasée, qui leur donne tout l’aspect d’une énorme bulle crevée, au sein d’une masse pâteuse. Autour de ces accidents la lave se déroule en longs serpents tortueux, ou s’étale en présentant une surface raboteuse, comme si elle était composée de blocs anguleux, détachés, violemment pressés et emboîtés les uns dans les autres.

Fig. 2. Vue générale du cratère de Kilauea et du grand lac de feu.

Au travers de ces masses inertes, qui figurent des monceaux de ruines incendiées, on peut encore apercevoir de grandes crevasses qui laissent échapper des torrents de vapeurs suffocantes, et parfois, en s’approchant, on distingue dans le fond un trait de lumière rouge pareil au zigzag de la foudre, qui indique la présence des masses en fusion au-dessous.

Ces laves sont vitreuses, d’un beau noir franc, quand elles ne sont pas altérées, avec un éclat satiné elles présentent des reflets irisés ; bien différentes de celles, compactes et résistantes, qui forment les parois de la cavité, elles cèdent facilement sous les pas. M. Wilke raconte qu’en les traversant il lui semblait. marcher sur une couche de glace peu épaisse ; il compare les craquements de leur surface cassante à ceux que fait entendre la neige gelée par un temps très froid.

Fig. 3. Jet de lave sur les coulées formant la terrasse de Kilauea

On n’y rencontre pas de blocs projetés, ni même de scories. À la surface des laves et principalement dans les anfractuosités, au fond des crevasses, on voit seulement, réunies par couches assez épaisses, des petites gouttelettes étirées minces et fragiles comme du verre, dont les formes varient à l’infini. Ces larmes laviques sont dues à de petits jets de laves qui se produisent sous la poussée des gaz, au travers de petites fissures qui n’ont à peine qu’un millimètre d’écartement. La fluidité de ces laves est si grande que parfois, dans ces conditions, elles s’étirent à la manière du verre filé, et donnent lieu à des filaments capillaires soyeux, qui atteignent la finesse de l’étoupe et sont alors transportés au loin par les vents.